Acrimed lance avec des associations, des organisations de journalistes, des médias, des syndicats et des organisations politiques une déclaration commune pour se « mobiliser pour une réappropriation démocratique des médias ». Cette déclaration, à diffuser et à signer largement, est une première étape dans la construction d’une mobilisation et d’initiatives communes pour transformer les médias.
" Depuis plusieurs
semaines, le mouvement des gilets jaunes bouleverse l’agenda politique,
et porte une remise en cause profonde des institutions. Les médias sont
tout particulièrement visés. Les gilets jaunes dénoncent, à juste titre
bien souvent, un traitement caricatural des mobilisations : surenchère
sécuritaire sur les plateaux télévisés et dans certains quotidiens ;
confiscation de la parole par les éditorialistes ; disqualification de
certaines revendications jugées «irréalistes» et appels à «dialoguer»
avec le gouvernement ; ou encore dénonciations des violences des
manifestants – alors que les violences policières ont été pendant trop
longtemps passées sous silence.
Une telle pédagogie de la
résignation n’est certes pas nouvelle. Déjà lors des grèves de 1995, les
tenanciers des grands médias martelaient leur sempiternel message : il
n’y a pas d’alternative aux réformes libérales. En 2005, ils pointaient
du doigt ceux qui mettaient en cause le bien-fondé des politiques
européennes et déformaient la révolte des banlieues. Plus récemment,
lors des mobilisations contre la loi El-Khomri et les ordonnances
Macron, ils dénonçaient un code du travail soi-disant «trop épais et
illisible». À l’occasion de chaque mobilisation sociale, ils se sont
faits les gardiens de l’ordre économique et politique.
Ces partis pris ont contribué
à disqualifier les grands médias. La défiance à leur égard est profonde
et sans précédent. D’autres sources d’information sont plébiscitées,
médias indépendants ou réseaux sociaux. Certaines des analyses portées
depuis des décennies par la critique des médias sont réinvesties
largement, au-delà du mouvement des gilets jaunes. L’emprise de quelques
milliardaires sur la production de l’information est pointée du doigt.
La question des médias s’impose désormais comme une question politique.
La plupart des éditorialistes
et chefs de rédaction ne voient, dans cette défiance, qu’une «haine des
médias» et de la démocratie. Ils éludent la responsabilité qu’ils
portent, par leurs diatribes ou leurs choix éditoriaux, dans l’hostilité
qui s’exprime contre l’ensemble des journalistes. Une hostilité dont
les plus précaires (en termes de statut ou de conditions de travail)
font parfois les frais, sur le terrain, en étant injustement pris à
partie ou agressés.
Nous pensons que la défiance
envers les grands médias doit être une opportunité. Opportunité, dans
les rédactions, de remettre en cause les orientations délétères imposées
par les directions éditoriales, et de replacer le reportage et
l’enquête au cœur du travail journalistique. Opportunité, dans les
médias indépendants, de faire la démonstration par l’exemple qu’un autre
journalisme, plus exigeant et plus libre vis-à-vis des pouvoirs, est
possible.
Que nous soyons gilets
jaunes, militant·es, journalistes, usager·es des médias, nous avons
toutes et tous des raisons légitimes de contester un ordre médiatique
inique, qui maltraite le pluralisme. Et de nous inquiéter des menaces
réelles qui pèsent sur le droit à l’information : la mainmise de
quelques milliardaires sur la plupart des médias, les plans de
suppressions d’emploi dans l’audiovisuel public comme dans les groupes
privés, la précarisation des journalistes statutaires ou pigistes y
compris dans certains médias indépendants, la répression policière et la
criminalisation qui frappent de plein fouet certains reporters et leurs
sources, ou encore les lois liberticides qui visent à contrôler
l’information – loi sur le secret des affaires et sur les «fake news».
C’est pourquoi nous affirmons
qu’il est temps de se mobiliser pour une réappropriation démocratique
des médias. Pour défendre le droit d’informer et le droit à être
informé, tous deux gravement menacés. Et pour que l’information, trop
longtemps confisquée par les pouvoirs, devienne enfin un bien commun et
non une marchandise."
Cette déclaration est une initiative commune :
D'associations, d'organisations de journalistes et de syndicats
: Acrimed, Attac, Collectif Ras La Plume, Fédération Nationale de
l'Audiovisuel Participatif, Info’Com-CGT, La Quadrature du net, Les Amis
du Monde diplomatique, Maison des Journalistes, Profession : Pigiste,
Résistance à l’agression publicitaire, Ritimo, Syndicat National des
Journalistes CGT, Union syndicale Solidaires.
De médias : Cause
commune, Cerises, Contretemps-web, CQFD, Démosphère Ariège, Démosphère
Toulouse, Frustration, Hors-Série, Jef Klak, L’Alterpresse68, Là-bas si
j’y suis, La Clé des ondes, La Gazette de Gouzy, Le journal minimal,
L’Insatiable, Le Média, Le Ravi, MAP 36, MédiaCitoyens PACA et
Rhône-Alpes, Mediacoop, Radio Parleur, Radio Cause commune, Revue
Terrestres, Ricochets, Rosalux, Silence, Transrural initiatives, TV
Bruits, Télé Mouche, Télé Regain, TVnet Citoyenne.
D'organisations politiques
: Alternative libertaire (AL), Ensemble, Nouveau Parti anticapitaliste
(NPA), Parti communiste français (PCF), Parti de gauche (PG).
Premiers signataires :
Alain Accardo, sociologue;
Gilles Balbastre, réalisateur;
Patrick Champagne, sociologue;
Sophie Chapelle, journaliste;
Colloghan, dessinateur;
Benoît Collombat, journaliste;
Jean-Baptiste Comby, sociologue;
Annie Ernaux, écrivaine;
Nina Faure, réalisatrice;
Benjamin Ferron, sociologue;
Anne-Sophie Jacques, journaliste;
Yannick Kergoat, réalisateur;
Henri Maler, universitaire;
Philippe Merlant, journaliste et conférencier gesticulant;
Pierre Morel, photojournaliste;
Gérard Noiriel, historien;
Michel Pinçon, sociologue;
Monique Pinçon-Charlot, sociologue;
Denis Robert, journaliste;
Karim Souanef, sociologue;
Usul, vidéaste.
Pour signer l'appel : https://www.acrimed.org/Reapproprions-nous-les-medias
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