Élection présidentielle : le retour du journalisme hippique ! Le n°38 de Médiacritiques, notre revue trimestrielle, sortira de l’imprimerie le 21 avril. Avec des articles et des rubriques inédites, des dessins de Colloghan et la Une signée Zoé Thouron ! À commander sur notre boutique en ligne, ou à retrouver en librairie. Et surtout, abonnez-vous !
Acrimed, qui fête discrètement ses 25 ans cette année, se voit
souvent reprocher de pratiquer l’amalgame ou d’adopter une démarche
critique manquant de complexité. En effet, écrire « les médias »
consiste à englober l’ensemble des médias sans nuance.
Alors oui (et à nouveau), nuançons : les médias ne sont pas tous les mêmes. Mais les élections présidentielles, au même titre que les mobilisations sociales ou les interventions militaires occidentales, sont des « verres grossissants ». Elles éclairent sur les pratiques et les dérives récurrentes de tous les médias dominants, et doivent interroger sur leur mode de fonctionnement. C’est entendu : les prescripteurs d’opinions – des présentateurs de JT aux matinaliers en passant par les éditorialistes et les chefs de service – n’ont pas la même responsabilité éditoriale ni le même poids dans les rédactions que les simples pigistes. Mais en intégrant les contraintes qui leur sont imposées, et en validant les consignes qui leur sont transmises, tous les journalistes – à des degrés divers – font tourner la machine et concourent à la production d’une information mutilée (p. 11).
Qu’ils dictent l’agenda médiatique ou se portent garants du consensus, les médias dominants non seulement se comportent en gardiens du statu quo, mais accentuent les tendances les plus négatives inscrites, plus ou moins en pointillé, dans le mécanisme même de l’élection présidentielle. À coups de sondages commandés à l’infini (p. 24), ils construisent (ou déconstruisent) des personnages « présidentiables » (p. 22) et effacent les véritables enjeux politiques.
L’élection présidentielle de 2017 (p. 3) a offert d’abondants matériaux pour l’observation des médias, notamment dans son entre-deux-tours, où les abstentionnistes potentiels furent sommés d’aller voter pour Emmanuel Macron (p. 18). Pour quelle conclusion ? La plupart des médias contribuèrent à mutiler le débat démocratique dont ils se prétendaient les arbitres. Une fois l’élection passée, le prétendu « barrage » médiatique contre le Rassemblement national prend l’eau de toute part. Les sagas journalistiques sur la famille Le Pen se multiplient, les chroniques « divertissantes » sur les élus RN s’entassent dans la presse magazine, tandis que se succèdent à la Une les thématiques fétiches de l’extrême droite, faisant l’objet de (faux) débats entre (seuls) réactionnaires (p. 7).
Toutefois, les grands médias ne sont pas tout-puissants (qu’on se souvienne du référendum sur le Traité constitutionnel de 2005), et leur « pouvoir » s’exerce rarement de façon autonome, mais en conjonction avec d’autres « pouvoirs », économiques, sociaux ou politiques : les médias ne font pas l’élection, mais ils jouent un rôle central dans les élections.
Ce pouvoir s’exerce d’autant moins isolément que, depuis longtemps, la professionnalisation de la vie politique et celle du journalisme politique se conjuguent et renforcent leurs effets. Mais surtout, le traitement médiatique de l’élection présidentielle se coule en quelque sorte dans les institutions de la Ve République, dont le présidentialisme originaire a été accentué par l’élection au suffrage universel direct à deux tours et l’alignement de cette élection sur celle des députés à l’Assemblée nationale.
Cette élection favorise la bipolarisation de la vie politique – les médias ne se préoccupent que du second tour – et la personnalisation. Ainsi la campagne présidentielle de 2022 a-t-elle débuté dans les médias depuis... le lendemain du second tour de 2017. Et ces derniers mois, pas une semaine ne passe sans qu’un sondage ou un débat télévisé n’aborde l’élection présidentielle, à tel point que d’autres sujets majeurs, comme la loi dite « Sécurité globale », qui concerne spécifiquement la liberté d’informer (p. 30), sont relégués au second plan.
Et surtout... abonnez-vous !
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