Depuis
1996, Acrimed fait vivre une critique des médias radicale (parce
qu’elle prend les choses à la racine) et intransigeante (parce qu’elle
ne se laisse pas intimider).
Totalement indépendante, notre association ne vit que grâce aux adhésions, dons et abonnements à la revue Médiacritiques.
Ni « argent magique », ni « pognon de dingue », ni millions d’aides à
la presse... C’est pourquoi nous faisons (encore) appel à vous pour
continuer !
Depuis la publication de
notre appel à dons le 26 novembre, 15 000 € ont été récoltés. Un grand
merci à toutes celles et tous ceux qui ont contribué ! Il nous manque
encore 25 000 € pour atteindre l’objectif...
En
2021 encore, une grande partie de nos activités associatives est
entravée par le contexte sanitaire et social. Mais ce ne sont pas les
sujets qui manquent : la concentration des médias s’accélère, et la
prédation de Bolloré en particulier ; la misère du journalisme politique
bat son plein et la banalisation de l’extrême droite fait rage… pour ne
citer que deux exemples.
La tâche est immense et nous essayons de l’accomplir dans la mesure
de nos moyens, entre continuité (les articles sur le site, la revue Médiacritiques) et nouveautés : une émission de radio régulière en partenariat avec radio Cause commune, un livre (Les Médias contre la rue. 25 ans de démobilisation sociale, aux éditions Adespote) – en attendant d’autres choses en gestation…
En 2022, nous comptons poursuivre notre activité de critique
indépendante... en accès libre et gratuit ! Et reprendre, réellement,
nos actions, événements, réunions publiques, etc.
C’est pourquoi nous faisons appel à vous en cette fin d’année, pour
nous permettre de boucler notre budget 2021 et de commencer 2022 dans
les meilleures conditions !
Vous souhaitez soutenir Acrimed ?
Vous pouvez faire un don ou adhérer à l'association !
Nous vous rappelons que les dons et les adhésions réalisés avant
le 31 décembre ouvrent droit à réduction d’impôt pour votre déclaration
2022.
Nous vous invitons à visiter notre boutique,
où vous pourrez régler par carte bancaire, virement, Paypal, chèque ou
prélèvement automatique. Vous pouvez aussi utiliser le bulletin pdf :
Un grand merci à vous, et vive la critique des médias !
L’équipe d’Acrimed
Acrimed est une association qui tient à son indépendance.
Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions.
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.
Dans le cadre du festival du film documentaire « Les Ecrans du Doc » au CinéToboggan de Décines du 19 au 28 novembre, les Amis du Monde Diplomatique de Lyon proposent trois projections /débats :
le 21 novembre à 18 heures, projection du film de Gilles Perret et François Ruffin Debout les femmes ! suivie d’un débat avec Gilles Perret.
le 22 novembre à 20 heures, projection du film de Jean-Gabriel Périot Retour à Reims. Avant première + rencontre sur l’histoire du monde ouvrier animée par les Amis du Monde Diplomatique.
et le mardi 23 novembre à 20 heures, projection du film Un peuple. Avant-première + rencontre avec le réalisateur Emmanuel Gras, organisée avec le partenariat des Amis du Monde Diplomatique.
Tout
ne passe pas librement et démocratiquement au cinéma ! Car pour qu’un
film existe, il faut des dizaines de professionnel-les, des centaines
d’heures de travail, des salaires donc (sous le régime de la convention
collective du cinéma), du matériel. Et donc de l’argent, pas mal
d’argent.
🤨 Certains obtiennent cet argent facilement grâce à des producteurs
milliardaires comme Jérôme Seydoux ou Marc Ladreit de Lacharrière ;
😅 D’autres l’ont grâce aux aides institutionnelles (CNC, fonds régionaux) ;
😡 D’autre n’ont rien comme Pierre Carles, François Ruffin ou Gilles Balbastre car trop corrosifs.
C’est donc grâce à vous que des documentaires peuvent accéder aux salles
de cinéma, que "Ceux qui tiennent la laisse" sortira sur les écrans fin
2022.
Nous lançons ce financement participatif pour pouvoir terminer notre
film. Un dernier effort et la liberté culturelle sera une fois de plus
réalisée… En attendant que la vraie démocratie soit enfin conquise...
Depuis bientôt trois ans, nous travaillons sur un projet de documentaire cinéma portant sur le pouvoir et l’argent : Ceux qui tiennent la laisse.
Après le succès du documentaire Les nouveaux chiens de garde, sorti en salles de cinéma 2012, il fallait pour approfondir l’analyse prendre le problème par l’autre bout du fil.
Comment ceux qui ont cadenassé les médias et dressé
les journalistes comme des toutous ont-ils assujetti l’État et promu
l’entreprise au rang de divinité ?
Comment ceux qui tiennent la
laisse ont-ils confisqué tous les pouvoirs au bénéfice d’une poignée de
fortunes privées et au détriment des salariés – actifs ou inactifs –,
pourtant seuls véritables producteurs de richesses ?
À raison, vous pourriez rétorquer que ces questions sont vieilles comme
le capitalisme. Peut-être. Mais le détournement de fonds atteint
désormais des sommets inégalés. La troisième révolution industrielle,
celle du numérique, se conjugue parfaitement avec le libéralisme,
financiarise tout ce qui bouge et n’hésite pas à saccager ce qui reste
de la planète. La rapacité de Facebook en est un des plus sinistres
exemples.
Et l’avidité de Ceux qui tiennent la laisse ne connaît plus aucune limite.
Le capital est attiré aujourd’hui par un nouvel eldorado, le secteur de
la e-santé, autrement dit la santé numérisée : télémédecine, santé
mobile, stockage des données de santé, biocapteurs, consultations en
ligne, etc. Alors que les soignants ont démontré durant des mois la
place essentielle du service public de la santé pour faire face à la
pandémie du Covid-19, le capital a sonné sa fin. La technologie à la
place de l’être humain, les profits augmentés, il n’est plus question de
lâcher un tel trésor et charge à Macron et à son gouvernement de
terminer le dépeçage de ce service public.
La période que nous venons de vivre et dans laquelle nous nous trouvonsencore,
témoigne plus que jamais de la nécessité de réaliser un documentaire
sur les mécanismes permettant à ceux qui font main basse sur le moindre
kopeck de tenir en laisse la démocratie économique, sociale et
politique. Milliardaires, grands patrons, élites politiques,
hauts-fonctionnaire, chiens de garde médiatiques travaillent de concert à
maintenir l’ordre économique et politique actuel, autrement dit le
menaçant désordre social et environnemental dans lequel nos sociétés
sont plongées. Plus Ceux qui tiennent la laisse captent le
pouvoir, engrangent les plus-values, propagent le chaos, plus la
majorité d’entre nous nous se voit traitée par cette minorité de
« radicaux », de « complotistes », de « populistes ».
Le capitalisme n’a pas besoin de fraudes fiscales, d’organisations secrètes et occultes, de tricheries, de virus meurtriers pour prospérer.
Bien sur, il peut tordre de temps à autre le cadre légal, mais ce n’est
pas le quotidien de ses activités. Bernard Arnault, Xavier Niel ou
Gérard Mulliez sont au top des milliardaires français dans la plus
grande transparence démocratique… C’est par le vote, la loi, les
décrets, le cadre légal et officiel qu’ils amassent des fortunes
considérables. C’est lors d’élections officielles que le hold-up se
réalise. C’est par des gouvernements que nous avons crédité que
l’opération se réalise tranquillement.
N’attendez donc pas alors des révélations sulfureuses, l’alignement de faits-divers, de scandales dans Ceux qui tiennent la laisse.
C’est justement de la transparence démocratique et opaque à la fois
dont nous allons parler. C’est l’écran de fumée officiel que nous allons
percez. Et n’ayez crainte, vous ne vous ennuierais pas. La façon dont Ceux qui tiennent la laisse
gère la démocratie, dont il nous la impose est source d’investigation
passionnante et stimulante. Et peut nous éclairer sur la manière de
s’organiser pour mettre à mal leur « ordre démocratique » pour imposer
le notre, celui de la majorité.
Pour que notre film atteigne un public plus large,
nous avons bâti un scénario qui prendra la forme d’une investigation
policière, une sorte de polar, mais dont le héros ne sera ni un
policier, ni un détective. Nous avons confié notre enquête à une
sociologue, entourée de ses étudiants, tous chargés de mettre en
évidence la réalité cachée, de percer l’écran de fumée. Des saynètes
fictionnelles « chapitreront » ainsi notre film, permettant ainsi de
dérouler la narration, épisode par épisode. Le rôle de notre sociologue
de choc sera interprété par la comédienne Corinne Masiero, actuelle
« héros » de la série Capitaine Marleau diffusée sur France 3. Un autre
comédien, Jacques Bonnaffé, interprétant le rôle d’un des papes de la
sociologie Max Weber, lui donnera la réplique.
Au-delà du tableau descriptif des élites – à
l’encadrement plaqué or – que nous allons brosser, nous ne nous
priverons pas de parler des contrecoups, d’évoquer la violence des coûts
sociaux et humains que quelques-uns ont imposé à tous. Plus les
services publics sont pillés, plus les fortunes explosent, plus les
dégâts sociaux minent le cadre social, avec son lot de chômage, de
précarité, de pauvreté, de violences, de suicides. Nous n’oublierons pas
d’évoquer les larmes et le sang qu’un tel système fait couler.
L’heure est donc propice à finaliser et sortir au cinémanotre documentaire. La période électorale de la Présidentielle 2022 est une occasion idéale pour observer comment "Ceux qui tiennent la laisse" réalisent le hold-up de la démocratie !
Nous reproduisons une tribune [1] publiée conjointement par plusieurs dizaines de médias indépendants le 27 octobre.
"Nous
sommes des médias indépendants, lus, écoutés, regardés chaque jour par
des millions de citoyennes et citoyens. Au-delà de nos différences
éditoriales, nous nous retrouvons sur l’essentiel : la passion d’un
journalisme libre, honnête, au service de nos publics et à l’écoute de
la société.
Une information libre et pluraliste est la condition de la
démocratie. Elle est aujourd’hui menacée par un système médiatique
dominant qui vient de nous infliger deux mois de « zemmourisation » du
débat public et un agenda informatif médiocre, pour ne pas dire plus.
Elle est menacée avec la mise à genoux du journalisme par Vincent
Bolloré. L’homme d’affaires a décidé de mettre son immense groupe de
presse au service d’un polémiste xénophobe et misogyne, condamné à deux
reprises pour provocation à la haine raciale.
Elle est menacée par une concentration sans précédent des grands
médias aux mains d’une petite dizaine de grandes fortunes qui
recherchent ainsi protection et influence et, trop souvent, imposent
leur agenda idéologique.
Cette information libre et pluraliste est aussi mise en danger par un
système d’aides publiques aux médias dénoncé depuis des années comme
inefficace et inégalitaire. Pourquoi ? Parce que dix grands groupes en
sont les principaux bénéficiaires et cette distorsion de concurrence
menace directement le pluralisme.
À la Libération, Hubert-Beuve Méry, fondateur du journal Le Monde, dénonçait la « presse d’industrie », cette presse de l’entre-deux-guerres tenue par des industriels et qui allait sombrer dans la collaboration. « Il y a une chance d’éviter pour l’avenir les pourritures que j’ai vues dans le passé », disait-il alors. « Une société qui supporte d’être distraite par une presse déshonorée court à l’esclavage », écrivait Albert Camus.
Il y a une chance d’éviter l’actuel affaissement du débat public.
D’éviter l’engloutissement du journalisme sous les polémiques
nauséabondes, les post-vérités, les intérêts politiciens et/ou
mercantiles.
Cette chance est la presse indépendante.
Dans leur diversité, ces médias indépendants vous proposent ce que le
rouleau compresseur des médias dominants écrase ou minore, ignore ou
discrédite. Les questions sociales, de l’égalité femmes-hommes, des
mobilisations antiracistes, du travail, les nouvelles luttes et
dynamiques qui traversent la société, les enjeux environnementaux,
l’urgence climatique, les nouveaux modes de vie.
Dans les régions, ce sont des titres indépendants qui viennent
bousculer par leurs enquêtes une presse régionale souvent en situation
de monopole et dépendante des pouvoirs locaux. A l’échelle
internationale, ils décryptent l’actualité de l’Europe, enquêtent sur
ses institutions, éclairent les nouveaux enjeux du monde.
Avec de faibles moyens financiers, cette presse indépendante enquête,
raconte, innove, débat. Il est urgent de la soutenir face aux
offensives des puissances d’argent. Il faut la soutenir face à
l’inaction et au silence inquiétants des pouvoirs publics en réaffirmant
que l’information n’est pas une marchandise comme les autres.
Il est urgent, à travers elle, de défendre les droits moraux des
journalistes, leurs conditions de travail. Il est urgent de construire
un environnement économique propice à ces éditeurs indépendants et à la
production d’une information de qualité.
Nos titres vivent aujourd’hui pour l’essentiel, et parfois
exclusivement, des contributions, dons ou abonnements de nos lectrices
et lecteurs. Ils garantissent notre indépendance.
Mais c’est à la société tout entière que nous adressons cet appel en
forme d’alerte. Il y a une alternative à la « mal info » et à certains
médias de masse qui propagent les peurs, les haines et fracturent la
société.
Soutenez la presse indépendante. Regardez-la, écoutez-la, lisez-la."
Signataires : 6 mois, Alternatives économiques,
AlterPresse68, Basta, BondyBlog, Disclose, Factuel Info, Guiti News,
Guyaweb, Headline, L’Âge de Faire, L’Averty, La Déferlante, La Revue
Dessinée, Le Courrier des Balkans, Le Drenche, Le Fonds pour une Presse
Libre, Le Mouais, La Mule du Pape, Le Petit ZPL, Le Poing, Le Poulpe, Le
Ravi, Les Autres Possibles, Les Jours, Les Surligneurs, Marsactu,
Mediacités, Mediapart, Natura Sciences, Novastan, Orient XXI, Pays
Revue, Politis, Radio Parleur, Reflets Info, Regards, Revue 90°, Revue
XXI, Rue89Bordeaux, Rue89Strasbourg, Splann !, StreetPress, Topo, Vert,
Voxeurop, Bien Urbains, Blast, CQFD, Dièses, Femmes ici et ailleurs,
France Maghreb 2, Frustration magasine, Grand Format, L’Arrière-Cour, La
Clé des Ondes, La Disparition, La Lettre de l’audiovisuel, La Topette,
Le Courrier d’Europe centrale, Le Media TV, Le Peuple breton, Le Zéphyr,
Lokko, Mr Mondialisation, Paris Lights Up, Podcastine.fr, Rapports de
Force, Revue Far Ouest, Rue89Lyon, Sept.info.
Médiacritiques
a dix ans ! Le n°40 de notre revue trimestrielle sortira de
l’imprimerie le 27 octobre. Avec un dossier spécial sur les médias et le
travail, des rubriques inédites et les dessins de Colloghan. À
commander dès maintenant sur notre boutique en ligne, ou à retrouver en librairie. Et surtout, abonnez-vous !
« Nous avions rêvé depuis longtemps – et vous aussi peut-être –
d’un magazine imprimé – et régulier – d’Acrimed. Ce sera
Médiacritique(s), un magazine trimestriel et coloré de 32 pages. »
Quand, en octobre 2011, nous avions publié l’avis de naissance de notre
magazine, nous étions loin de nous douter qu’un beau jour vous tiendriez
entre vos mains réjouies son quarantième numéro ! Depuis, au gré des
idées et des bonnes volontés, la revue, qui se présente depuis octobre
2019 sous les atours chatoyants d’une nouvelle maquette, s’est enrichie
de nouvelles rubriques : « Maux médiatiques », « Loquace et local »,
« En roue libre », « Des lectures »… Elle s’est aussi étoffée, pour
atteindre 48 pages. Elle a gardé son rythme de parution trimestriel,
mais elle a surtout gardé son âme, ses objectifs et sa raison d’être :
contribuer à diffuser nos analyses, nos critiques et nos propositions,
et alimenter le débat sur la question médiatique.
La fin d’année s’annonce en effet faste et festive pour Acrimed. Si
le magazine célèbre ses dix ans, l’association fête quant à elle ses
vingt-cinq ans d’existence ! Qui dit fête dit cadeau, et nous en avons
un, de taille : le 12 novembre prochain sortira en effet un nouveau
livre d’Acrimed, aux éditions Adespote, Les Médias contre la rue, 25 ans de démobilisation sociale.
Un livre à la fois lourd (250 pages) et léger, qui témoigne du chemin
parcouru et des travaux accomplis sur notre terrain d’observation
« favori » : la maltraitance médiatique des mouvements sociaux. Un
cadeau à 18 euros, à offrir, à s’offrir, sans modération !
Parallèlement, notre association s’est déployée sur les ondes. En
juillet est née une émission de radio mensuelle, hébergée par Cause
Commune (93.1 en Île-de-France, en ligne partout ailleurs), dont les
contenus sont également à retrouver sur la plateforme de podcasts
critiques « Spectre ».
Nous continuons bien évidemment de mener le combat dans les
manifestations, en organisant des événements publics, et en alimentant
le site avec des articles réguliers : pas question de baisser la garde,
en particulier en cette année d’élection présidentielle… Polarisés par
un agenda toujours plus (extrême) droitier, banalisant les idées
fascisantes d’Éric Zemmour, abordant la campagne présidentielle comme
une course de chevaux où l’on parie sur des tuyaux crevés fournis à jet
continu par les sondeurs, les grands médias piétinent chaque jour un peu
plus leur mission d’information. Face à ce rouleau compresseur, nous
comptons sur vous pour poursuivre et mener à bien nos activités :
n’hésitez pas à faire un don ou à adhérer à l’association !
Dans ce numéro un peu spécial, vous n’en trouverez pas moins votre
dossier habituel, cette fois consacré au traitement du travail et des
travailleurs. Une question qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne
fait pas la Une des grands médias, et qui, quand elle est traitée, l’est
souvent très mal : journalisme de classe, poids de la doxa libérale et
mépris du pluralisme, culte de la « valeur travail »,
fait-diversification de l’information, invisibilisation des classes
populaires et des métiers qu’elles exercent, suivisme à l’égard du
pouvoir politique et des politiques patronales, etc. Autrement dit, une
loupe grossissante des tendances médiatiques dominantes...
ET SURTOUT... ABONNEZ-VOUS !
Ce numéro ne sera pas plus diffusé en kiosques que les
précédents. Vous pourrez cependant le trouver dans quelques rares – mais
d’autant plus précieuses – librairies listées plus bas, ainsi que sur notre boutique en ligne.
Et surtout, abonnez-vous ! Pour cela, rendez-vous sur notre boutique en ligne, ou remplissez le bulletin en pdf et renvoyez-nous le avec un chèque. Vous pouvez également nous soutenir en adhérant à l’association ou en faisant un don.
A Lyon, vous pouvez trouver Médiacritiques en vente dans les librairies suivantes :
69 (Rhône) Le Bal des Ardents
17 rue Neuve 69001 Lyon
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Les enquêtes que vous ne lirez pas ailleurs
Crise sociale, économique ou sanitaire, dérives des pouvoirs publics,
solutions face aux enjeux de demain, il se passe des choses à l’échelle
de votre ville. C’est ce que nous vous racontons chaque jour en
enquêtant en toute indépendance sur ces sujets d’intérêt public : santé,
environnement, économie locale, logement…
Nos 5 principes fondateurs
Nous croyons que le journalisme doit être un contre-pouvoir
Dans les grandes métropoles françaises, le pouvoir des élus s’est
considérablement accru depuis les années 1980. Pourtant, les
institutions locales sont de moins en moins transparentes, alors même
qu’elles sont concernées par des affaires de corruption, d’absentéisme
ou de détournement de fonds publics.
Mediacités fait vivre l’investigation en dehors de Paris, au plus
près des grandes métropoles. Nos journalistes prennent le temps
d’enquêter, de rencontrer des lanceurs d’alerte et d’éplucher des
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nous vous aidons à comprendre les pouvoirs qui vous entourent.
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expliquons les coulisses de notre travail à la fin de nos articles. Et
nous donnons toujours la possibilité aux personnes et institutions mises
en cause de s’exprimer. De cette manière, vous pouvez vous forger votre
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Nous reproduisons une analyse publiée sur le site de Rebellyon le 1er octobre 2021 qui met en lumière une certaine forme de "journalisme de préfecture" dans la presse quotidienne lyonnaise.
Dans "Le Progrès" pour ne pas le nommer...
Loin des règles
du métier (vérification des faits et confrontation des sources), la
presse paresseuse se contente de copier les discours institutionnels et
de relayer les fake news préfectorales. Le « quatrième pouvoir », en panne, participe pleinement à l’impunité policière.
Loin
des règles du métier (vérification des faits et confrontation des
sources), la presse paresseuse se contente de copier les discours
institutionnels et de relayer les fake news préfectorales. Le « quatrième pouvoir », en panne, participe pleinement à l’impunité policière .
C’est une véritable faillite de l’appareil médiatique local. Le
7 mars 2020, pour l’acte 69 des Gilets jaunes, la police blesse
gravement au moins 26 personnes en plein centre de Lyon. Le soir même,
la presse locale et nationale titrera essentiellement sur les « 24 policiers blessés » et les commerces « saccagés par les black blocs ». La palme de l’indécence revient sans doute auProgrès qui, sur le coup de 19h, fait réagir les candidats aux municipales à propos de la « violence qui frappe nos commerces » (essentiellement des banques). Les pensées du journal (propriété du Crédit mutuel), comme celles des candidats, vont aux familles des vitrines.
« Pref quotidienne régionale »
A 19h donc, aucune mention du « carnage »
dans Le Progrès. Les deux journalistes présents pour couvrir la manif
mentionnent seulement deux blessés parmi les manifestant-es, au milieu
d’un récit qui fait la part belle aux « dégradations »
et autres commentaires préfectoraux sur Twitter. Ce n’est que plus tard
dans la soirée que l’article sera mis à jour avec la mention de 20
blessés parmi les manifestant-es. Ce chiffre, repris d’une dépêche de l’AFP, cite une première estimation (basse) réalisée par le Comité le soir-même. Après avoir passé sous silence les faits, la « presse paresseuse »
pourra (au mieux) renvoyer dos à dos les blessés des deux camps, en
n’oubliant pas de préciser que la préfecture n’admet, elle, que 3 manifestant-es blessé-es. Le hic, c’est que la préfecture a omis quelques précisions.
Fake news policières
Le Comité a pu se procurer un document policier : le « PV de contexte »
de la manifestation. Seuls deux fonctionnaires sont annoncés comme
blessés suite à des jets de projectiles entre 14h et 18h, durée de la
manif. Puis, à partir de 18h30, chaque unité procède à de mystérieux
décomptes. En une heure, 22 nouveaux blessés apparaissent sur le PV.
Explication de ce miracle : 14 membres des forces de l’ordre, y compris
la commissaire en charge des opérations, se plaignent d’ « acouphènes suite à tirs de mortier ». La CRS 29 dénombre à elle seule 9 acouphènes, une véritable épidémie, auxquels s’ajoutent un « choc au genou droit » non expliqué, un « talon d’Achille pied gauche » (la simple mention d’une partie du corps valant certificat de blessure) et une « douleur cervicale ».
Au total, seuls 6 d’entre eux allèguent avoir été victimes de tirs de
projectiles. Contrairement aux 26 blessures recensées par le Comité du
côté des manifestant-es, aucune n’est grave. Mais peu importe : la com’
préfectorale a fait son chemin. Pour Nicolas Kaciaf, maître de
conférences à Sciences Po Lille, ce type de situation peut renvoyer au « pouvoir de certains acteurs sur la production de l’information ». « Ce
pouvoir se traduit par la capacité à faire dire aux journalistes ce
qu’ils souhaitent, mais aussi dans la capacité à inhiber la
publicisation de certaines informations », analyse ce spécialiste des médias.
Défaite des faits
L’ampleur de la déroute journalistique du 7 mars est certes
exceptionnelle. Mais la reprise du discours officiel sans vérification
constitue malheureusement une habitude. Le 1er mai 2021, Le Progrès
cite 7 fois le fil Twitter de la préfecture (source de vérité
visiblement incontestable) dans son article de 4000 signes. Il a
pourtant dépêché une journaliste et un photographe sur place. Résultat :
mention de 27 policiers blessés, quand le récit du « PV de contexte » n’en cite que deux. Mieux : le 16 janvier 2021, lors d’une manifestation contre la loi sécurité globale (LSG) partie de Villeurbanne, France 3 annonce sans sourciller : « environ 1500 personnes ont participé à cette marche qui les a conduit jusqu’à la place Bellecour ».
Problème : bloqués par la police, les manifestant-es n’ont jamais pu
atteindre le centre-ville. Avec une moyenne de plus d’une grenade
lacrymogène par minute, la police n’aura pas enfumé que les
manifestant-es…
Chroniqueur judiciaire ou policier-journaliste ?
Février 2021. Richard Schittly, journaliste vedette du Monde à Lyon,
rend compte du procès des policiers poursuivis pour le tabassage
d’Arthur, le 10 décembre 2019. Il reprend le chiffre préfectoral de « 22 policiers et 3 manifestants blessés »,
sans préciser qu’aucun des fonctionnaires n’ira aux urgences,
contrairement aux trois manifestants. En dépit des images-preuves qui
tournent en boucle sur la toile, le « journal de référence » présente Arthur comme une victime de violences policières « présumées ». Le journaliste raconte l’agression : « Une vidéo montre un groupe de la BAC acculé contre un mur [...] avec des syndicalistes CGT
qui tentent fermement de dissuader les manifestants d’aller au contact.
On distingue la silhouette d’Arthur Naciri qui les contourne, se
faufile et s’approche des policiers, avant d’être happé par un
fonctionnaire ». Les nombreux policiers
présents dans la salle d’audience, auxquels le journaliste n’a cessé de
serrer les mains, lui ont-ils suggéré cette version ? Non, répond-il : « J’ai tout simplement visionné la vidéo et j’ai essayé de la décrire au plus près de la réalité ». Pourtant, même l’IGPN produit une version plus favorable à la victime. L’enquête conclut : alors que « la physionomie des lieux était plutôt calme », Arthur « avait dû contourner » les policiers. Au moment de son agression, il était en train d’ « applaudi[r] aux propos [d’]un syndicaliste ». Conclusion : ou Le Monde assume des partis-pris pro-police, ou il se préoccupe peu de la qualité des informations publiées par ses correspondants.
« Impunité médiatique »
La situation est d’autant plus problématique que, comme le souligne Nicolas Kaciaf, il existe une forme d’ « impunité médiatique ». « Lorsque
certains groupes ou individus peuvent se soustraire aux règles
communes, et donc échapper aux sanctions associées à leur transgression,
c’est d’abord parce que leurs déviances échappent à la visibilité
publique », explique le sociologue. A
l’instar du journaliste vedette, les médias se sont largement intéressés
au tabassage d’Arthur par la BAC. Mais pour parler de quoi ?
Pour l’instant, le cœur politique du dossier est resté sous les
radars : le chef d’état-major de la police lyonnaise, chargé entre
autres du « pôle déontologie », a menti à l’IGPN et couvert les agresseurs de la BAC. En décembre 2020, le Comité révèle la contradiction entre un PV de la police (qui affirme ne pas connaître l’origine des blessures d’Arthur) et la vidéo qui prouve le contraire. Conséquence : mutisme dans les rédactions !
Dans un reportage, France 3 interroge brièvement le « silence de la hiérarchie »
mais ne revient pas sur les faits. Un membre de la chaîne, questionné
par le Comité à l’époque, explique que la police ayant refusé de
communiquer, la rédaction ne veut pas évoquer le sujet. Il suffit donc à
la préfecture de se taire pour que France 3 en fasse de même : courage,
fuyons ! En février 2021, la chaîne finira par revenir plus en détail sur le sujet, mais toujours sous la forme interrogative, en dépit des faits en sa possession. Rue89Lyon mentionne le PV
de police, mais ne le confronte pas à la vidéo qui prouve qu’il est
lacunaire. Faute de temps pour creuser le sujet, dixit la rédaction.
Seule l’AFP relève et affirme (discrètement) la contradiction entre les deux documents.
Faire « l’actu », ou la subir ?
Les autres rédactions, au premier rang desquelles Le Progrès,
resteront totalement muettes sur l’affaire. Une journaliste du quotidien
régional défend sa rédaction : « Il n’y
a pas de censure ou de consigne, c’est juste que personne ne s’est
emparé de l’affaire. Il faut dire qu’il y a eu [...] un plan social il y
a deux ans. Les journalistes des faits divers ne sont plus que trois
contre six auparavant ». Il reste que,
même effectués par défaut, ce sont bien des choix rédactionnels qui sont
en cause : Rue89Lyon, qui a la plus petite rédaction, est aussi le
journal qui a couvert le sujet de la façon la plus complète. Nicolas Kaciaf pointe encore un autre mécanisme susceptible de contribuer à l’autocensure : « beaucoup
de journalistes restent prudents parce qu’ils craignent une rupture des
relations avec les sources institutionnelles – qui, dans le cas de la
police, sont d’autant plus précieuses qu’elles sont loquaces, et
qu’elles permettent d’alimenter régulièrement les rubriques ’fait
divers’ ».
Le plus remarquable dans l’affaire Arthur, c’est que plusieurs
journalistes ont eu accès au dossier de l’enquête, et donc à l’audition
du commissaire menteur. Mais aucun n’a pour l’heure raconté cette
histoire. « Pour nous, c’est trop tôt
pour parler de ça, on pourra le faire quand ce sera débattu à
l’audience, il faut qu’on le rattache à une actu »,
explique une journaliste de France 3. Le problème, c’est que la
justice, focalisée sur la responsabilité des auteurs des coups, risque
fort de passer l’échelon hiérarchique sous silence… le jour, d’ailleurs,
où elle se prononcera ! Depuis décembre
2019, l’affaire attend donc patiemment qu’un média s’en empare. Pendant
ce temps, le commissaire menteur continue de jouer au déontologue. Merci
qui ?
Impuissance croissante de la profession face aux actionnaires, médias
passés sous la coupe de l’extrême-droite, déni persistant des
journalistes dont la plupart persistent à clamer leur indépendance,
Henri Maler, cofondateur de l’observatoire des médias Acrimed, analyse
pour QG les reconfigurations en cours dans le secteur à moins d’un an de
la présidentielle 2022
Impuissance croissante de la
profession face aux actionnaires, médias passés sous la coupe de
l’extrême-droite, déni persistant des journalistes dont la plupart
persistent à clamer leur indépendance, Henri Maler, cofondateur de
l’observatoire des médias Acrimed, analyse pour QG les reconfigurations
en cours dans le secteur à moins d’un an de la présidentielle 2022
La sphère des médias se concentre toujours plus entre les mains de
milliardaires. Dernier exemple en date: la radio Europe 1, passée sous
le contrôle de Vincent Bolloré, désireux de peser sur la présidentielle,
après avoir été longtemps sous celui du groupe Lagardère. Une prise de
contrôle ayant suscité plusieurs jours de grève de la part des salariés
de la station. Pour QG, Henri Maler, cofondateur de l’association Acrimed (Action Critique médias, observatoire fondé en 1996),
analyse cette emprise du CAC 40 sur les médias, l’impuissance des
journalistes face aux actionnaires, ainsi que le rôle des médias dans
l’abstention massive durant les dernières élections.
QG : Qu’est-ce que vous inspire la situation de la radio
Europe 1, où une grève de cinq jours a été organisée par la société des
rédacteurs et l’intersyndicale, face à l’emprise de Vincent Bolloré et
la crainte d’une transformation en « radio d’opinion » ?
Henri Maler : Quand des journalistes défendent leur
dignité, il n’y a aucune raison de bouder leur mobilisation, même si on
peut émettre de nombreuses réserves sur la « radio d’opinion » qu’a
toujours été Europe 1. C’est une affaire de dignité élémentaire pour les
journalistes, et les salariés de la station. Cela met à jour un certain
nombre de questions qui sont souvent passées sous silence.
Ce que démontrent la brutalité et la violence de Vincent Bolloré,
c’est d’abord que les entreprises médiatiques sont des entreprises comme
les autres, parfois pires que bien d’autres quand il s’agit des
salariés des médias en général.
La deuxième leçon: la situation actuelle porte un rude coup à la
légende de l’indépendance des journalistes. Comment cette légende
s’est-elle bâtie ? C’est très simple. Comme chaque journaliste, pris
individuellement, n’est pas placé sous le contrôle tatillon du
propriétaire ; que les milliardaires interviennent rarement directement
(ils le font et dans le cas de Bolloré c’est systématique), ils
s’imaginent que cela suffit à leur indépendance. En réalité, les
journalistes ne vivent pas en état d’apesanteur sociale. Ils dépendent
plus ou moins de leurs origines, de leur formation, de leurs conditions
de travail. Mais surtout, ils sont dans une situation de dépendance
collective. C’est-à-dire, à la merci des tycoons qui font ce
qu’ils veulent dans les entreprises qu’ils contrôlent en nommant aux
postes-clés pour diriger des rédactions des gens qui ne sont pas
toujours des journalistes, mais avant tout des managers. Il faudrait,
une fois pour toutes, arrêter de nous seriner en permanence que les
journalistes sont indépendants tant que leur clavier électronique ou
leur micro n’est pas placé sous le contrôle direct du milliardaire qui
possède leur média.
Troisième leçon, à mon avis : dans la plupart des grands médias, même
si pas tous, la quasi-absence de pouvoir des journalistes non seulement
sur le financement de leur entreprise, mais même sur l’orientation
éditoriale. Le seul pouvoir dont ils disposent, en dernière analyse,
c’est la « clause de conscience ». La revendication des syndicats de
journalistes, depuis des années, d’un statut juridique des rédactions
pour qu’elles disposent d’un pouvoir collectif sur l’orientation du
média, est encore une fois à l’ordre du jour.
La situation d’Europe 1 montre, une fois de plus, que le CSA est un
organisme fantoche et impuissant, parce qu’il est nommé quasiment
directement par le pouvoir politique et qu’il intervient dans un cadre
législatif qui limite considérablement ses pouvoirs d’intervention car
ses pouvoirs d’intervention sur la propriété des médias remontent à une
loi qui date de 1986, c’est à dire d’avant la montée en puissance
d’Internet, des chaînes en continu, etc. Depuis, du côté des forces
politiques, c’est « silence radio », si j’ose dire !
J’aimerais ajouter plusieurs choses sur cette affaire. La
quasi-fusion entre CNews et Europe 1 n’est pas finie ! Et il y a déjà
d’autres proies dans le groupe Lagardère. Je ne garantis pas qu’elles
finiront entre les mains de Bolloré, mais il y a aussi Paris Match et Le Journal du Dimanche.
Quand les journalistes se mobilisent contre les actions destructrices
de Bolloré, on trouve parmi eux de sacrés personnages. Pascal Praud par
exemple, qui déclare : « Quand vous êtes dans une entreprise, vous
devez une fidélité sans faille à la direction. Il n’y a pas de marge de
manœuvre. Si vous n’êtes pas content, vous partez. » Pas mal non,
comme éloge de la servilité ? Ce qui va de pair avec le cynisme et le
carriérisme d’une Laurence Ferrari. Je rappelle qu’elle fut une des
non-grévistes lors de la longue grève d’I-Télé en 2016. Et quand Adrien
Quatennens lui dit que CNews est une chaîne qui promeut
l’extrême-droite, elle lui répond : « Je ne vous laisserai pas dire
ça. C’est entièrement faux ! C’est insulter tout le travail d’une
rédaction, avec des choix équilibrés politiquement, qui travaille 24h
sur 24, 7 jours sur 7. Je suis fière de travailler ainsi ». (1) En
clair, pour se défausser, elle se déclare solidaire des gens qui se
soumettent aux diktats de Bolloré ou de la direction (soit parce qu’ils
intériorisent les prétendues valeurs de l’entreprise, soit parce qu’il
faut bien qu’ils gagnent leur vie).
QG : En moins de deux ans on a vu la chaîne CNews changer
entièrement de positionnement, et se radicaliser politiquement jusqu’à
devenir un des principaux canaux de l’extrême-droite. Qu’est-ce que ça
vous inspire ? Avez-vous souvenir d’une pareille situation par le passé?
Non. C’est la première fois que je vois une chaîne de télévision et
une radio passer complètement sous la coupe de chefferies
d’extrême-droite. Mais il faut comprendre pourquoi ça se passe ainsi.
Ces chaînes vivent de leur audience. Par conséquent, s’il y a une
audience qu’ils peuvent, à la fois, entretenir et créer pour des idées
d’extrême-droite, il y a un créneau à occuper et CNews l’occupe. On
connaissait d’énormes inféodations de médias à des orientations
politiques, « en toute indépendance », mais à ce point, dans l’audiovisuel, non. C’est assez original !
QG : À l’approche de la présidentielle de 2022 la situation
dans l’actionnariat des médias est encore plus concentrée qu’en 2017. De
quelle façon cela va peser une fois de plus sur la sincérité du
scrutin ?
Il faut être nuancé. Est-ce que ça va peser sur la sincérité de la
campagne électorale ? Ça ne fait aucun doute. Il y a eu des précédents
et il y aura des suites. Est-ce que ça aura un impact sur les
électeurs ? C’est une autre affaire. Les médias ne sont pas
tout-puissants ! Ils sont parfois trop puissants mais les publics ne
sont pas des éponges. Les médias usent et abusent de leur pouvoir mais
leur pouvoir n’est pas absolu, comme le montre quelques épisodes
particulièrement glorieux: par exemple, la quasi-totalité des médias
avait fait campagne pour le « oui » lors du référendum constitutionnel
de 2005 et les publics n’ont pas suivi, le « non » a été largement
majoritaire.
Mais les médias ont un pouvoir redoutable, qui s’est vérifié
récemment, qui est un pouvoir de cadrage des campagnes électorales. Les
médias peuvent essayer de dire ce qu’il faut penser. Ce n’est pas sûr
qu’ils aient le pouvoir de le prescrire autant qu’ils le souhaiteraient.
En revanche, ils ont le pouvoir de prescrire ce à quoi il faut penser.
Quand ils mènent campagne en expliquant, par exemple, que la sécurité et
l’immigration sont les sujets majeurs, quasi uniques dans notre pays,
ils créent une atmosphère qui est propice au développement des idées de
droite et d’extrême-droite.
QG : Que pensez-vous des propos du journaliste de France 2
Laurent Delahousse au moment des résultats du premier tour des élections
régionales et départementales, critiquant la recherche consumériste de
l’audimat de la part des chaînes d’info en continu qui ne font plus, en
réalité, de l’information ?
D’abord, c’est amusant venant de Laurent Delahousse, qui s’est
plusieurs fois signalé par sa complaisance et son rôle de brosse à
reluire quand il interroge des responsables politiques. Mais par contre,
ça souligne à quel point, dans le bilan des élections régionales, les
médias sont restés absolument silencieux sur leur propre rôle. C’est
absolument fascinant. Les raisons de l’abstention sont multi-causales.
On a tout invoqué. La météo ensoleillée, ; le divertissement consécutif à
la fin du confinement ; l’opacité du rôle des départements et des
régions ; la faiblesse des responsables politiques. Mais pour mettre en
question le rôle qu’ont joué les médias, dont je redis qu’on ne sait pas
à quel point il a été déterminant, silence ! Je n’ai repéré que trois
occurrences : les déclarations de Laurent Delahousse, ce qui est en
matière de critique des médias, je le rappelais à l’instant, une
éminence bien connue ; un entretien, plus intéressant je l’avoue, avec
Thomas Sotto, cet autre guerrier de l’audiovisuel, et un article de
France info interrogeant des sociologues sur le rôle joué par les médias
(2).
Or, ce n’est pas la première fois, ni la dernière, je le crains : la
mise en scène de ces élections a eu pour particularité d’être
politicienne, tacticienne et sondagière. De quoi a-t-on parlé ? En
réalité, les yeux étaient fixés sur l’élection présidentielle de 2022,
les probabilités de voir des forces politiques se positionner de façon
intéressante pour le second tour de l’élection ; on a parlé du jeu des
alliances dans la présentation des candidatures ; et commenté à n’en
plus finir des sondages. Est-ce qu’on a parlé des projets en présence,
des programmes, des propositions, etc. ? Pratiquement pas. Or, un
journalisme un peu indépendant serait capable de laisser une place à la
polyphonie des arguments. Cela ne devrait pas difficile, puisque les
journalistes prétendent être pédagogues, de dire quels sont les projets
en présence, d’expliquer ce qu’ils proposent dans les domaines qui
relèvent des compétences des régions ou des départements. De l’exposer,
sinon avec objectivité, du moins avec un minimum d’équilibre. Cela n’a
pas été du tout fait. On a eu droit à quelques débats sur des chaînes de
télévision, sur BFM et surtout sur LCI. Plus quelques débats sur des
régionales de France 3. Mais ce sont des débats dans des formats où il
est absolument impossible d’exposer clairement les propositions en
présence.
On a eu, en guise de « décryptage » – c’est le mot à la mode -, le
« décryptage » des sondages. Et là, on a atteint des sommets ! Enième
fiasco des sondages. Réponse des sondeurs (je simplifie à peine) : « Si les sondages se sont trompés, c’est la faute des sondés. Ils ont menti, ils ont triché. ». Et si ce n’est pas la faute des sondés, « c’est de la faute des électeurs ».
Mais il y a plus drôle et plus scandaleux encore. Les journalistes qui
« décryptent » se sont intéressés à l’échec des sondages. Ils ont
demandé aux sondeurs de donner des explications. Mais en omettant ce
petit détail : c’est que les sondages sont commandés par les médias !
Autrement dit, ils ont interrogé les sondeurs sur les erreurs qu’ils ont
commises, alors que ce sont les médias eux-mêmes qui commandent les
sondages. Dans le genre grotesque, mais significatif, on peut
difficilement faire mieux. Mais encore plus beau : c’est qu’une fois
passées les élections, on recommence, avec toutes les hypothèses pour la
présidentielle. Aucune leçon n’a été tirée de ce journalisme hippique,
qui conçoit les échéances électorales comme des courses de petits
chevaux.
QG : Dans les journaux Le Monde et Libération,
les actionnaires ont annoncé la création de « fondations », dans le but
de sanctuariser l’indépendance des rédactions. Est-ce une mesure
efficace ou de la poudre aux yeux ?
Je pense que ça ressemble beaucoup à de la poudre de perlimpinpin si
on ne donne pas un statut juridique aux rédactions, en les dotant d’un
pouvoir qui soit un pouvoir sur l’orientation éditoriale, et des
pouvoirs sur la nomination des actionnaires et des responsables de
rédaction. Il y a des médias qui sont allés en ce sens, mais que peut
faire une rédaction quand on lui met le couteau sous la gorge et qu’on
lui dit: « Ou bien tu acceptes tel actionnaire, ou bien on va être obligé de mettre la clé sous la porte » ?
Elle peut faire grève pendant un certain temps, mais d’une manière ou
d’une autre, elle sera amenée à céder. Sans un pouvoir effectif, que ce
soit « par le haut » avec une modification radicale de la législation
encadrant la propriété des médias ; et « par le bas » avec un pouvoir
conféré aux rédactions et aux salariés des médias (car dans un média, il
n’y a pas que des journalistes). Sinon, la situation est sans issue. De
toute façon, une indépendance totale est un rêve absolu. Ça n’existe
pas. Cependant, il peut exister une indépendance relative, qui permet
collectivement aux rédactions de ne pas être à la merci des conditions
de financement de leur activité.
QG : Quelles pourraient être les trois premières mesures à instaurer pour garantir un paysage médiatique sain ?
Je vais répondre dans l’ordre où ça me vient à l’esprit.
Premièrement, transformer radicalement le CSA en Conseil national des
médias, de tous les médias ; et de le constitutionnaliser. Une telle
institution serait composée, non pas par le pouvoir exécutif, mais par
élection à la proportionnelle de journalistes et de salariés des médias,
et d’autre part de représentants politiques. Elle serait dotée non pas
d’un pouvoir croupion, mais d’un pouvoir étendu de contrôle à l’ensemble
de l’univers médiatique. On ne peut pas faire comme si Internet
n’existait pas.
Deuxièmement, la constitution d’un service public de l’information et
de la culture ayant une absolue priorité en ce qui concerne son
financement. Financer Valeurs poubelles, ce n’est pas ça qui
garantit la démocratie dans le monde des médias. Troisièmement, limiter
les concentrations dans les médias et ne pas attribuer de média à des
propriétaires qui dépendent de marchés publics.
Et enfin, j’en ai déjà parlé, accorder un statut juridique aux rédactions et à tous salariés des médias.
Propos recueillis par Jonathan Baudoin
(1) Sources : Pascal Praud, dans Le Parisien du 27 juin à propos
du licenciement Sébastien Thoen pour une parodie de… Pascal Praud.
Laurence Ferrari, lors de la « matinale » de CNews du 17 juin.
(2) Sources: Laurent Delahousse, lors de la soirée électorale sur France 2. Entretien avec Thomas Sotto publié par Le Point le 1er
juillet 2021. Sur France info « Abstention aux élections régionales :
quelle est la responsabilité des médias ? », article publié le 28 juin
2021.
Henri Maler est politologue, ancien maître de
conférences en Sciences Politiques à l’Université Paris 8 et cofondateur
de l’association Acrimed. Il est auteur de : « L’opinion, ça se
travaille… » (avec Serge Halimi, Mathias Reymond, Dominique Vidal,
éditions Agone, 2014), « Médias et mobilisations sociales : la morgue et
le mépris » (avec Mathias Reymond, Syllepse, 2007) ; Médias en
campagne : retours sur le referendum de 2005 (avec Antoine Schwartz,
Syllepse, 2005), ou encore « Une certaine idée du communisme : répliques
à François Furet » (avec Denis Berger, Du Félin, 1996).
Retour à la normale ! Le n°39 de Médiacritiques,
notre revue trimestrielle, sortira de l’imprimerie le 12 juillet. Avec
des articles, des rubriques inédites, les jeux de l’été, des dessins de
Colloghan et la Une signée Allan Barte ! À commander sur notre boutique en ligne, ou à retrouver en librairie. Et surtout, abonnez-vous !
Le 19 mai, Le Berry républicain exhale un « parfum de liberté », tandis qu’un « souffle d’espoir » s’engouffre dans L’Alsace. « Le grand jour » se lève au Télégramme, « Le jour J » illumine Nord Éclair, et La Voix du Nord fait « les premiers pas vers la vie d’avant ». « C’est (re)parti ! » au Bien public, « Ça s’arrose ! » au Courrier picard, et La Dépêche trinque même « À notre santé ». « On se retrouve dehors », propose Sud-Ouest… et « Bas les masques », suggère Var-Matin. Bref, La Provence, et la France médiatique avec elle, exulte : « Enfin ! »
Enfin le retour à la normale ! Les reporters d’images font le pied de
grue devant les centres commerciaux, les télés usinent du
micro-trottoir sous les stores bannes et le choeur des éditorialistes
entonne le « tenir ensemble » jupitérien. Sans oublier cette entrevue
caféinée entre le Président et son Premier ministre, multi-médiatisée,
et dont BFM-TV a initié la propagande au gré d’une « priorité au
direct » qui restera dans les annales : « [Devinez] qui est en train
de boire un café en terrasse ? Mais c’est Emmanuel Macron avec Jean
Castex ! Les voici tous les deux attablés autour d’un café. » Tant il est vrai que l’« actualité » des rédactions parisiennes gravite autour de l’Élysée, jusqu’à l’absurde (p. 11).
Pendant ce temps, à l’ombre des gros titres, la crise sociale et
économique s’aggrave. Lesdits « plans de sauvegarde » menacent plus de
100 000 emplois, les licenciements se comptent par milliers tandis que
s’accroissent les inégalités, contraignant plusieurs millions de
personnes supplémentaires à l’aide alimentaire et au RSA. Mais les
médias n’ont d’yeux que pour le martyre de celui qui a « failli
crever » : Manuel Valls (p. 3).
Une complaisance qui n’a d’égale que l’hostilité des mêmes stars de
l’info vis-à-vis de l’opposition de gauche, et de la France insoumise en
particulier (p. 27). Questionnée sans relâche sur la tambouille
politicienne le matin, condamnée pour « islamo-gauchisme » à midi,
exécutée par sondages interposés l’après-midi, on la somme le soir
d’expliquer pourquoi les idées de gauche disparaissent du débat public…
Il y a quelque chose de pourri au royaume médiatique. En artisans du
grand récit de l’insécurité, les grands médias s’intoxiquent à leurs
sources policières, au mépris des faits et des règles les plus
élémentaires (p. 31). Les faits divers se succèdent à la Une, au point
que des campagnes éditoriales locales – comme une couverture
« anti-squat » de La Dépêche – polarisent l’agenda de rédactions
nationales (p. 35). Un débat public à front renversé, où militants
antiracistes et gauche radicale sont devenus les ennemis publics n° 1,
tandis que se succèdent des cabales identitaires, menées par des
professionnels de la parole qui fulminent contre les grandes
« censures » des temps modernes, reçus sur les plus grandes chaînes en
toute impunité (p. 41).
Concomitamment, la concentration des médias capitalistiques se
renforce avec la bénédiction des pouvoirs publics. Martin Bouygues et
Vincent Bolloré accaparent le gâteau télévisuel, et le second impose à
coups de marteau aux rédactions ses vedettes prosélytes et ses
journalistes inquisiteurs, Éric Zemmour et Sonia Mabrouk en tête (p. 7).
Si quelques contestations se sont fait entendre à propos du rachat
d’Europe 1, les chefferies médiatiques, par lâcheté, indifférence ou
suivisme, regardent passer les trains. Et préfèrent s’auto-investir de
missions quasi civilisatrices, visant à (ré)éduquer des populations qui
auraient tendance à se méfier des médias institutionnels (p. 15).
Face à la normalisation de l’anormal, et face à l’élection
présidentielle qui s’annonce, notre association compte bien garder le
cap… et faire front. Précisément pour que les partis progressistes de
gauche s’emparent de la question des médias, et apportent au champ de
l’information les perspectives politiques d’une transformation radicale.
Et surtout... abonnez-vous !
Ce numéro ne sera pas plus diffusé en kiosques que les
précédents. Vous pourrez cependant le trouver dans quelques rares – mais
d’autant plus précieuses – librairies listées plus bas, ainsi que sur notre boutique en ligne.
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Un excellent article sur la tartufferie démocratique incarnée par l'émission de France inter "Le téléphone sonne".
Pour France Inter, la gifle à Macron, c’est de votre faute
Publié -Mis à jour
Il est 19h ce mercredi et l’énergique introduction du “Téléphone Sonne”, émission phare de France Inter, retentit. La journaliste Fabienne Sintes sait arracher les auditeurs à leur torpeur et ce jour-là elle ne mâche pas ses mots : « Le
climat est tel que ça ne pouvait finir que comme ça, cette tension dans
la vie politique elle est là depuis longtemps (…) on ne reconnaît plus
l’élu de la République et cet entre-soi des réseaux sociaux où l’on ne
parle qu’avec les gens qui sont d’accord avec nous et où on se chauffe
(…) et si cette sidération face à ce geste provoquait une prise de
conscience salutaire ? »« Allez on respire ». La
journaliste ne cache pas son désarroi face à la gifle reçue par la
président de la République la veille, et toute l’émission qui suit se
fera autour de cette base qui ne sera jamais questionnée : « Ca va trop
loin ! »
Le principe du “Téléphone Sonne” est simple : quelques auditeurs
appellent et deux-trois éditocrates ou experts commentent leur propos
pour bien dire ce qu’ils ont envie de dire. « Amis auditeurs, vous avez la parole »,
s’exclame Fabienne Sintes. Car heureusement, des experts sont sur le
plateau pour cadrer cette débauche de libre-expression. Ouf, parce que
l’auditeur qui ouvre l’émission ne va pas du tout dans l’angle annoncé
en préambule ; il débute son intervention en évoquant la décapitation de
Louis XVI et propose divers explications à la violence politique
actuelle (par « violence », France Inter ne parle que de la violence
envers les politiques, pas des politiques envers leurs citoyens,
évidemment) : le manque de représentativité de notre classe politique,
la déconnexion des élites, le sentiment répandu que les choses se font
sans notre accord… L’auditeur propose de changer de modèle politique
pour une démocratie réellement participative.
C’est une intervention qui gonfle totalement le plateau qui compte,
outre Fabienne Sintes, une éditorialiste du Monde, Françoise Fressoz, un
directeur adjoint de l’institut de sondage BVA, Edouard Lecerf, et le
chef du service politique de France Inter, Simon Le Baron. Car ils ont
en effet des explications tout à fait différentes à proposer : cette
« hystérisation » de la colère envers les élus, ils ne l’attribuent pas à
nos chers représentants, mais bien aux citoyens qui ne comprennent
rien. Et d’ailleurs, commente immédiatement la journaliste, l’auditeur
serait sans doute tout aussi énervé et en colère s’il vivait dans un
système démocratique surdéveloppé : sa frustration est intrinsèque à
tout système où la décision collective l’emporte, voilà tout, rien à
voir avec l’état de notre Ve République.
De toute façon, pour l’éditorialiste du Monde, « les citoyens ont la liberté d’expression, le droit de vote », alors pourquoi s’énerver ? « Donner sa voix à une élection, c’est quand même participer au débat républicain ». Vous voyez, pas la peine de rager. Alors pourquoi cette colère ? « Parce qu’il y a la montée du populisme », explique doctement Françoise Fressoz, qui n’a pas peur d’aligner les poncifs puisqu’elle ajoute à cela « l’individualisme grandissant » ainsi que « les réseaux sociaux où chacun est dans sa bulle » : Le bingo d’un étudiant de Science Po dès l’apéro.
Les experts du plateau sont prolixes quand il s’agit de parler des
effets terribles des réseaux sociaux : quelle plaie ces gens qui
discutent librement, sans avoir besoin d’appeler “Le téléphone Sonne”.
Et qu’importe si le second auditeur qui intervient entre ces brillantes
analyses parle de l’absence de débat d’idées de fond et du règne de la
polémique parmi les hommes politiques, il est immédiatement recadré : le
procès de la gifle c’est celui des citoyens, pas des politiques !
D’ailleurs, entend-t-on dans la suite de l’émission, toute cette
colère est décidément bien injuste parce les politiques vont « au
contact » des Français : ils jouent le jeu, ils se rendent accessibles,
alors pourquoi les accabler ? Macron lui-même est allé se mettre dans la
foule – et qu’importe si, à chacun de ses déplacements, les
participants sont triés sur le volet et les mécontents évacués manu
militari, ça mérite le respect.
Bref, toute l’émission concourt à ce même constat : la gifle à
Macron, c’est de votre faute à tous, à vos réseaux sociaux, à votre
individualisme qui vous empêche de respecter les décisions collectives,
votre colère mal placée… Parce que France Inter est formel : nous vivons
dans un système politique dé-mo-cra-tique où chacun peut s’exprimer. Si
vous vous sentez frustrés, c’est parce que vous vous comportez comme
des enfants chauffés par leurs réseaux sociaux et qui ne comprennent
rien à la notion d’intérêt général.
Ça vous semble délirant ? C’est normal, ces « experts » et
journalistes font reposer toutes leurs analyses sur une seule croyance,
que les faits contredisent en permanence : nous vivons en démocratie, il
n’y a que des individus et pas de classes sociales, les politiques
veulent notre bien, et ce, même s’ils sont bourgeois, déjeunent avec des
lobbyistes ou financent leurs campagnes avec des dons de grands
patrons.
Alors évidemment, toute l’argumentation développée sur le plateau du
Téléphone Sonne s’effondre si l’on considère deux minutes l’existence de
la lutte des classes. Si l’on regarde à qui bénéficient les politiques
menées depuis 30 ans. Si on s’attarde sur la répartition des richesses
et sa monopolisation par la grande bourgeoisie. Si l’on regarde la
composition sociologique de la classe politique actuelle, les 90% de
députés cadres et professions intellectuelles supérieures, les 0% de députés ouvriers (qui
représentent environ 20% de la population française). Une fois ces
données en tête, on peut tout à fait comprendre pourquoi des gens sont
en colère, ne se sentent pas représentés, ne pensent pas que leur
bulletin de vote suffise à se faire entendre. Si l’on considère
l’existence d’intérêts de classe divergents dans notre société, alors
tout ce que raconte Fabienne Sintes, Françoise Fressoz et leurs
confrères est caduque voire carrément stupide.
A défaut de ressentir de la compassion pour Macron victime d’une
gifle, colériques individualistes surconnectés que nous sommes, nous
avons bien pris une baffe en écoutant « le Téléphone Sonne » : celle que
les journalistes et commentateurs accrédités de notre vie politique
infligent chaque jour à notre intelligence, en opposant aux faits
matériels et concrets de notre existence les abstractions et croyances
que leur appartenance de classe bourgeoise culturelle leur donnent.
Ci-dessous le tract qu'ACRIMED a diffusé dans plusieurs villes le samedi
12 juin à l’occasion des marches « pour les libertés et contre les
idées d’extrême droite ».