A l'occasion
de notre seconde journée lyonnaise de la critique des médias - qui aura lieu le
17 novembre prochain (cf. programme ci-dessous) - , nous avons voulu donner un
avant goût du thème qu'on a choisi cette année : « Pour des médias
(vraiment) au service des publics » en donnant la parole à un média
récent sur Lyon et qui défend une conception exigeante de l'information...
qu'on finirait par penser improbable dans le paysage médiatique actuel.
On remercie
Nicolas Barriquand, qui sera présent à notre journée, de nous présenter le
projet éditorial et le modèle économique de Mediacités, en espérant que
cela aiguise votre envie de venir échanger et débattre avec lui, et d'autres
encore, sur l'information que nous voudrions pour demain.
Acrimed 69 : Médiacités existe
depuis combien de temps et qui en sont les membres fondateurs ?
Nicolas
Barriquand : Mediacités a été créé à l’automne 2016 et le journal a été
mis en ligne le 1er décembre 2016. D’abord à Lille. Nous avons
ouvert les déclinaisons Mediacités Lyon et Mediacités Toulouse en mai 2017, et
Mediacités Nantes en septembre 2017.
Les
sept membres fondateurs de Mediacités sont des journalistes, issus pour la
plupart des rédactions de L’Express et de L’Expansion et plus particulièrement
du service « régions » de L’Express. Nous avons quitté ce titre après
son rachat par le milliardaire Patrick Drahi (SFR).
Qu'est-ce qui vous a
amené à penser ce projet possible et avec quels moyens (financiers et humains)
est-il possible de lancer un « pure player » comme le vôtre aujourd'hui
?
Le
projet de Mediacités est né d’un constat ou plutôt d’un triple constat :
1/ La presse nationale est trop parisienne à notre goût et se désintéresse trop
souvent des enjeux locaux. 2/ La presse locale consacre trop peu de moyens à
enquêter sur les pouvoirs locaux, à jouer son rôle de contre-pouvoir. 3/ Depuis
une trentaine d’années, avec les lois de décentralisation et l’évolution
géographique et démographique, les grandes villes en France se sont
« métropolisées », concentrant toujours plus de pouvoirs (politiques,
économiques, etc.). Face à cette mutation, le paysage médiatique local a assez
peu évolué avec dans de nombreux territoires un quotidien régional dominant
sans concurrence, qui devient de fait une institution, un pouvoir local. Or,
nous pensons que le pluralisme dans la presse est essentiel à la bonne santé de
notre démocratie. Au niveau national comme local.
Pour
les moyens : nous avons amorcé la pompe en réinvestissant dans le projet
nos primes de licenciements après le plan social opéré par Patrick Drahi à
L’Express. Nous avons ensuite mené une campagne de financement participatif
pour ouvrir les 2e, 3e et 4e déclinaisons de
Mediacités. Puis enfin, nous avons mené une levée de fonds, participative
aussi, qui réunit près de 70 personnes qui croient au projet, en gardant, les
journalistes-fondateurs, le contrôle capitalistique du journal (ouverture de
30% de notre capital). Cette levée de fonds doit nous permettre de nous donner
le temps d’avoir suffisamment d’abonnés. Car on a fait le choix d’être un
journal payant (mais accessible), sur abonnement. Cela nous paraît plus sain –
et plus logique – d’être financé par ceux qui nous lisent que par de la
publicité ou par un milliardaire. C’est aussi indispensable pour exercer notre
métier en toute indépendance.
Comment définiriez-vous
votre ligne éditoriale ?
Notre
ligne éditoriale, c’est l’investigation locale. C’est une démarche
journalistique : enquêter, sans tabou, sans parti pris, sur tous les
domaines pour révéler des faits mais aussi aider à mieux comprendre les enjeux
et l’environnement qui concernent le lecteur. Enquêter mais aussi
expliquer : donner du sens aux faits, les raconter dans leur contexte.
Mediacités
prend le temps d’enquêter. Certains journalistes passent des semaines à creuser
un même sujet. C’est rare à l’heure des chaînes d’info en continu et du flux
incessant des sites internet. On fait le pari d’une information rare – dans
chaque ville, nous publions sur un rythme hebdomadaire – mais de qualité, exclusive,
fouillée.
Avez-vous quelques
exemples d'articles, sur Lyon en particulier, qui l'illustrent particulièrement
?
Dernièrement
nous avons publié une longue enquête particulièrement bien documentée sur
Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et organisateur du festival
Lumière. C’est une enquête inédite : tous nos confrères saluent la
réussite de Thierry Frémaux mais personne n’était encore allé décortiquer ses
affaires, regarder sur quoi repose ce succès. En bref, ce qu’il se passe en coulisses.
On a découvert une personnalité intouchable, qui cumule les fonctions, en
situation de conflit d’intérêts à plus d’un titre.
Autre
domaine, autre article : nous avons révélé l’exil fiscal au Luxembourg du
propriétaire du Kopster, nouvel hôtel du grand stade de l’OL. Il s’agit d’une
des premières fortunes de Lyon. Cet exemple est assez significatif de
l’importance d’un média sans publicité : à l’ouverture de l’hôtel, le
Kopster a acheté de pleines pages de publicité dans la presse locale…
Vous avez avec des
correspondants ou des pigistes dans les différentes villes, je crois, comment
travaillez-vous avec eux ?
Mediacités
compte une équipe nationale, les journalistes-fondateurs qui assurent la
rédaction-en-chef pour toutes les éditions. Nous travaillons ensuite avec des
journalistes pigistes spécialistes de leur ville ou spécialistes d’un sujet en
particulier qui peuvent enquêter sur l’une ou l’autre de nos villes. Un
exemple : une de nos journalistes régulière est spécialiste des
délégations de services publics, une compétence précieuse quand on enquête sur
les collectivités locales.
Arrivez-vous à vos
objectifs actuellement en nombre d'abonnement ?
Convaincre
les lecteurs, habitués à la gratuité, de s’abonner pour une presse sur Internet
est un travail de longue haleine. Mais petit à petit le message qu’une presse
de qualité et indépendante a de la valeur et donc un coût pour le lecteur
devient audible. Un peu plus de 2000 personnes se sont abonnées à Mediacités.
Elles sont de plus en plus nombreuses mois après mois. Et elles sont encore
plus nombreuses à lire nos articles car il est possible d’accéder à nos
publications via une formule découverte « 24h gratuites ».
"Pour des médias (vraiment) au service des publics"
Deuxième Journée Lyonnaise de la critique des médias
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