Alors que
« Radio Canut » est en pleine souscription pour continuer à vivre, Laurent
et Delphine, animateur et animatrice de l’émission « Canut Infos » du
jeudi, nous ont accordé un entretien pour expliquer les rapports d’une radio
indépendante et associative aux médias dominants. Nous les remercions de leur
accueil.
« L’esprit Canut, c’est indéfinissable. »
Acrimed : Pour
commencer, qu’est ce que Radio Canut ?
Laurent : Radio Canut est née de l’effort de quelques personnes, des gens
plutôt du milieu syndical qui ont eu envie de monter un média sur la bande FM à
partir du milieu des années 70, à une époque où il n’y avait que la radio d’État,
et où la police faisait la chasse aux émetteurs pirates, avec arrestations et
saisie du matériel ! Jusqu’en 1980, nos émissions ont donc été
irrégulières. En 1980 les poursuites policières s’arrêtent en attente de
l’élection présidentielle de 81. On savait alors que, quelque soit le candidat
élu, la bande FM allait être libre, libérée. « Canut » n’a toutefois pas
eu l’autorisation. On devait être trop à gauche pour les socialistes,
déjà ! À l’époque Radio Canut,
ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, était assez proche des politiques.
Notamment, des gens de « Canut » étaient élus et travaillaient dans
les mairies. Ils et elles ont mobilisé les élus, les députés, pour aller faire
pression et pour demander une autorisation, et puis on leur a obtenu en 82 ou
83. Depuis on a une autorisation officielle du CSA d’émettre. Comme d’autres radios à cette époque, Radio Canut est née dans la douleur.
Delphine : Radio Canut est une radio qui n’a jamais
cessé d’évoluer. Si on prend déjà notre cas à tous les deux, on est dans la
même émission, le « Canut Infos » depuis sept ans. Étant depuis sept
ans à la radio, j’ai commencé avec cette émission, même si j’ai toujours écouté Radio
Canut, j’ai toujours eu des proches qui faisaient des émissions. Laurent,
lui il y est depuis 29 ans... Ca veut dire qu’il y a des gens qui viennent
d’arriver il y a quelques jours à la radio et qui nous rejoignent avec de
nouvelles émissions, quelque soit leur âge, et puis des gens qui sont là depuis
très longtemps. Donc c’est aussi une évolution pas à pas d’un collectif. En
association, puisque c’est bien une association radiophonique. C’est quand même
un statut bien particulier, avec une existence légale, mais c’est aussi une
radio qui est en perpétuel mouvement puisque les membres qui la font vivre sont
jamais les mêmes.
Acrimed :
Qu’implique, justement, le fonctionnement associatif de ce média ?
L : Des
changements constants de manière de gérer la radio ! Dans les années 80 à
un moment, certains membres de Radio
Canut ont eu envie de se professionnaliser. Il y a donc eu séparation. « Canut »
se partageait en deux. Ceux qui ont essayé de se professionnaliser ont tenu un
certain temps, puis leur radio a coulé. Et la radio qui n’était que bénévole, « Canut »,
est restée. Actuellement, à Radio Canut,
il n’y a pas de salariés, on est toutes et tous bénévoles.
D : C’est
une spécificité de Radio Canut. Il
n’y en a pas beaucoup de radios associatives sans permanents, sans aucun
salarié et sans publicité. C’est un modèle économique particulier, maintenu par
une volonté forte, qui fait aussi l’identité de notre radio. Même si aussi des
fois on en débat, parce que le débat est toujours sain. On se rend bien compte
qu’avoir des salariés, ça coûte, qu’il faut un peu plus d’argent, donc c’est
une course. Ca veut aussi dire avoir recours à des contrats aidés, ce que
beaucoup d’entre nous n’avons pas envie non plus de solliciter, car on ne veut
pas mettre des gens dans la précarité. Le fait de ne pas avoir de pub, c’est
aussi un modèle économique assez important. Donc, oui, on vit avec une
subvention qui est destinée aux radios associatives et puis avec les
cotisations des adhérent-e-s.
Acrimed : En
parlant de cotisations, combien êtes vous de bénévoles à
« Canut » ? Comment s’impliquent-ils/elles dans la vie de la
radio ?
L : À la
dernière Assemblée Générale, y avait 56 émissions. Donc grosso modo, c’est une centaine de personnes. On est en moyenne
deux par émission. Tous les gens qui participent à la vie de « Canut »
font une émission. Il n’y a pas quelqu’un qui pourrait être juste bénévole pour
ne faire que de l’administratif. Ca n’est pas possible dans les statuts. On est
animateur et animatrice d’abord. Et après on s’investit pour faire aussi vivre
la structure.
D : À
l’Assemblée Générale, des mandaté-e-s sont élus pour mener à bien différents
postes, qui vont de choses très pratiques comme s’occuper de la trésorerie, du
secrétariat. La « Commission de programmation » se charge des nouvelles
émissions, s’occupe du site internet, des blogs, des archives, de la gestion
technique, il y a une la « Commission musicale ». Il y a des postes comme
ça qu’il faut remplir parce qu’il n’y a pas de permanent-e. Il y a donc des
gens qui pendant un an, deux ans parfois dix ans vont avoir des mandats et
donner de leur temps, de leur énergie pour que ça tourne au quotidien. Que ce
soit changer des ampoules, payer les factures, faire des dossiers de
subvention, c’est notre responsabilité à tous. Le chiffre important n’est pas
forcément celui du nombre d’individus. Certes, l’individu, le/la membre,
l’adhérent-e, a un rôle important. Mais il y a aussi l’émission en tant que
groupe, qu’il n’y ait qu’un animateur ou animatrice, ou qu’on soit 4 ,6 ,10.
Les émissions ont donc la possibilité d’exister comme les bénévoles le
souhaitent car il n’y a pas une ligne de conduite à Radio Canut au delà de la Charte qui nous unit en tant que
collectif. Il y a des choses
inadmissibles à la radio, le racisme, le fascisme, le sexisme, l’homophobie, l’appel
à la haine, ce sont évidemment des choses absolument interdites. Mais sur le
reste, chacun fait vivre son émission comme elle ou il l’entend. On essaye
aussi d’avoir des liens entre émissions. Pendant un moment on avait l’émission
« Bivouac » avec qui on a fait plusieurs mixtes. L’idée c’était de faire une
émission ensemble. Comme ils parlaient beaucoup aussi d’informations, d’actu
internationale et de l’Afrique, on a essayé de construire des sujets ensemble,
c’était aussi l’idée de ce rapport-là. Avec une autre émission du dimanche, qui
s’appelle « La causerie », j’aimerais bien par exemple échanger des choses. On
s’est dit qu’on pourrait faire un truc sur la presse gay et lesbienne, qui est
en train de se développer. Donc on a plein d’envies quand même comme ça parce qu’on
lit beaucoup la presse de manière générale.
Acrimed : Il n’y a donc pas de ligne éditoriale
« officielle » ?
L : On
parlait souvent avant de « l’esprit Canut ». C’est indéfinissable en
fait. On est incapable de dire ce que c’est. On sait qu’on est tous de gauche.
Après, il y a des sensibilités différentes. C’est le média qui nous unit.
L’idée qui court que Radio Canut est plutôt une radio libertaire ou anarchiste,
c’est récent en fait. Je me rappelle qu’au début des années 90 avec l’ancien
président qui est resté longtemps, qui était un peu hégémonique et qui avait
mis sa marque à « Canut », c’était l’inverse. On était devenu une radio un peu
gentillette. On n’avait pas du tout l’image de radio anarchiste. Ca a mit près
de 20 pour changer. Comme quoi les gens qui sont à l’intérieur font la couleur
de la radio.
D : C’est
vrai qu’on dit des fois, « c’est une radio de gauchos », « une
radio d’anarchistes ». Ce n’est pas vrai du tout. Il n’y a ni ligne
politique, ni ligne éditoriale. Il faut arrêter de vouloir caricaturer. « Canut »,
c’est une radio avec des idées, des cultures
très différentes et très complémentaires. L’idée n'est pas d’avoir une
radio qui soit uniforme. Quand on est à « Canut », il faut savoir
qu’il y a des gens qui tiennent les permanences toutes les semaines et qui
accueillent celles et ceux qui ont envie de proposer des produits
radiophoniques. Les gens peuvent tous venir. D’abord juste pour papoter.
Ensuite ils viennent avec une maquette. Et celles et ceux qui sont mandaté-e-s
par les autres adhérent-e-s, écoutent, reçoivent, expliquent, racontent. Ensuite
on rediscute avec d’autres groupes et puis c’est comme ça qu’on rentre à Radio Canut. On peut se dire qu’à un
moment, on a peut-être beaucoup d’émissions de punk, beaucoup d’émissions de
reggae, mais en même temps si elle est de qualité, ça ne pose pas de
problème ! On ne s’arrête pas non plus à des quotas. C’est la qualité et
la volonté de rejoindre Radio Canut
qui font qu’aujourd’hui on peut y faire des émissions.
L : L’idée
qu’avaient les premiers membres de la radio, c’était de donner la parole à celles
et ceux qui ne l’ont pas. C’est resté ça. Parce qu’on peut avoir des émissions
de musique qui n’ont rien de politique, mais cette musique là, on ne l’entend
pas sur France Inter. C’est pour ça
que c’est une espèce de patchwork. Tout est mélangé.
D : À « Canut »
que tout ça arrive : selon les gens et les années, ce n’est pas pareil. Il
y a toutefois toujours eu une volonté quand même de s’impliquer dans la vie
locale. Tout ce qui touche le quartier, ça concerne aussi les gens de Radio Canut d’une manière ou d’une
autre. Soit parce que les gens fréquentent le quartier, soit qu’ils y vivent. C’est
pour ça que bien des fois, on va retrouver les animateurs et les animatrices dans
beaucoup de manifestations du coin. Mais on n’y va pas en étant encartés Radio Canut. On y va peut-être parce
qu’on est encartés ailleurs ! Au final, on peut arriver avec peu d’idées
politiques mais à force d’être les un-e-s avec les autres dans ce collectif, on
finit par brasser plein de choses ensemble. En plus, quand on passe des petits
labels, quand on fait ce travail d’aller chercher de nouvelles choses (parce
que passer de la musique, c’est pas non plus arriver, et puis dire en rigolant,
« c’est facile ! ». Non c’est aussi du boulot. Il y a un
travail, même si c’est sa passion d’aller regarder des labels, d’aller les
écouter, d’aller à des concerts. Il y a un vrai travail de découverte et je
pense que ça c’est exceptionnel). , finalement on partage plein de choses !
Beaucoup de cultures (politiques ou non) sont représentées. Je pense en musique
par exemple. Même les gens qui pourraient être très branchés rap, vont se
mettre à discuter avec quelqu’un qui va peut-être écouter de la musique baroque
et ainsi de suite….
Acrimed : Votre
mode de fonctionnement, l’association, l’absence de ligne éditoriale, est
quelque chose de rare dans le domaine des médias, non ?
D : C’est
assez rare effectivement. C’est sûr qu’une émission qui ne voudrait faire que du
commercial, ça ne marchera pas chez nous, parce que ça n’est pas le but de la
radio. Non pas que ce ne soit pas quelque chose qui ne puisse pas arriver, parce
que les gens ont envie de faire de la radio. À l’ère de l’image, je trouve que
c’est un bel outil. On est en direct. Toutes les émissions, à part quand on a
des reportages, parfois quand on doit s’absenter il peut y avoir un
enregistrement, mais le direct reste la règle générale. Je pense que ce sont
des éléments qui résonnent encore dans la tête de beaucoup de gens et renvoie à
quelque chose d’assez beau.
L : Et puis
quand on a envie de s’essayer à la radio, il n’y a que Radio Canut. Avant il y avait d’autres radios : on pouvait
aller à Pluriel à Radio Charpennes Tonkin, à Radio Trait d’union. Elles
prenaient des gens qui avaient juste une idée, qui étaient passionnés par
quelque chose et qui s’essayaient à la radio. Toutes ces radios ne le font
plus. Il n’y a que « Canut » qui permet à des gens de commencer ou de
s’essayer. Du coup on a des propositions qui sont un peu farfelues par rapport
à l’image de « Canut ». Juste parce qu’on est les seuls à permettre
ça.
D : Radio Canut, c’est une radio de passage.
Il y a des gens très différents. J’ai rencontré des gens qui travaillaient dans
une banque, avec de hautes responsabilités et qui sont passés dans les années
80 à Radio Canut. C’est rigolo, on se retrouve dans pleins
d’endroits, parfois dans un magasin avec la personne en face qui vous dit
« moi à l’époque je faisais une
émission ». C’est une petite radio mais c’est des milliers de gens qui
y sont passés. Partout où je vais, je rencontre des gens qui ont fait une
émission. C’est très drôle, et dans tous les milieux ! Il n’y a pas
longtemps un journaliste du Progrès
me disait « j’ai commencé en faisant
une émission à « Canut » ». On peut venir à
« Canut » par engagement, c’est vrai. Mais on sent aussi que les gens
ont envie de se saisir d’un outil qui peut leur permettre de s’exprimer. La
plupart viennent pour proposer des maquettes. Il y a pleins de moyens d’arriver
à Radio Canut. On peut avoir des amis
qui y font une émission, on peut écouter toujours la même émission et puis au
bout d’un moment, se dire tiens ça donne envie ; on peut rencontrer des
gens dans une soirée, on peut être invité et puis finalement quelques années
après revenir. Voilà, chacun a son histoire.
De l’information sans
ligne éditoriale.
Acrimed : Le « Canut Infos », qu’est-ce que
c’est ?
L : C’est
une plage d’information tous les jours de la semaine faite par des équipes différentes.
Alors là c’est pareil, pas de ligne éditoriale. Chaque équipe a un peu ses
spécificités, pas tant politique que dans ses choix de sujets. Certains font
plus de reportages, d’analyse d’informations, ont plus de thèmes particuliers. Le
« Canut Infos », c’est donc un assemblage de plusieurs équipes (sept
ou huit actuellement). Avec Delphine, nous faisons le « Canut Infos »
ensemble chaque jeudi depuis longtemps. Moi ça fait au moins 15 ans que je fais
ça. J’ai vu les équipes beaucoup changer, donc la forme des « Canut Infos »
a elle aussi beaucoup changé.
D : On n’a
jamais écrit de ligne éditoriale dans le « Canut Infos » du jeudi.
Après on se connaît, on connaît les sujets dont on a envie de parler. Mais on
arrive parfois encore à se surprendre l’un et l’autre sur la manière dont on
peut parler de certains sujets. « Ah
tiens tu le dis comme ça ? ».
C’est aussi parce qu’on a peu de temps. Ca c’est important parce qu’il
faut comprendre que ça ne touche pas que le « Canut Infos » mais
toutes les émissions : on est bénévoles et on travaille pour beaucoup
d’entre nous à côté. Pour une émission assez longue à préparer comme un « Canut
Infos », ça demande une certaine énergie. Je suis obligée depuis toutes
ces années de modifier ma manière de préparer un « Canut Infos » par
rapport à mes boulots et à mes disponibilités. C’est aussi pour ça que mon « Canut
Infos » évolue. Il évolue parce qu’on a envie de se donner un coup de
fouet, de pas rentrer dans une routine mais c’est aussi parce qu’on a des vies
professionnelles. Les contraintes interviennent beaucoup pour faire vivre une
émission toutes les semaines. Avec des sujets nouveaux, en direct, en étant à
peu près préparés quand même. Il ne faut pas dire n’importe quoi. Oui, ça
demande du travail.
Acrimed :
Chaque « Canut Infos » étant différent selon l’équipe qui le fait,
celui du jeudi, le votre, a-t-il quelque chose de particulier ?
L : Y a deux
sujets que je traite beaucoup : la situation israélo-palestinienne, même
si j’ai beaucoup ralenti, et puis l’environnement. C’est ce que je connais le
mieux…
D : Moi je
suis plus branchée par l’économie, les multinationales. J’aime beaucoup parler
des grands patrons et de leurs actions. Après on parle de pleins de choses.
J’aime bien parler de culture. On fait des choix de sujets qui sont liés à
plein de choses, à l’actualité…
Et aussi au temps de préparation qu’on a. Au fait aussi des
gens qui nous contactent et qui nous donnent aussi envie de parler de certains
sujets. C’est lié à plein de choses qu’on va développer tout au long de
l’année. Des choses qu’on aime bien suivre aussi, des choses qui nous amusent,
ou des choses sur lesquelles on tape. J’aime bien par exemple taper sur
certains médias, c’est un deuxième plaisir.
Acrimed : Sur quels médias ? Et pourquoi ?
D : Chaque
saison, j’essaye d’ouvrir mon champ de lecture. J’aime bien lire la presse
professionnelle liée à l’économie par exemple. Ou encore la presse sur la
grande distribution.J’aime aussi beaucoup lire Le Figaro. Là ça fait
deux ans quand même que je bloque je dois vous dire sur Le Figaro et je trouve ça
très plaisant. C’est pour moi de grandes découvertes éditoriales. C’est vrai
que taper sur Le Figaro c’est plus
facile et plus drôle que sur d’autres journaux parce qu’ils sont finalement
comme nous : ils y vont, ils sont très clairs dans leur manière de
s’exprimer. Il y a une période où je les critiquais tous les mois, je faisais
un petit peu le tour de la presse, en tout cas des unes, la presse féminine, les
hebdos… On peut se permettre, on n’est pas professionnel, on n’est pas des
journalistes donc on peut se permettre de taper sur la presse et sur les médias
de manière générale, sans craindre de représailles professionnelles. On peut
aussi faire des erreurs, manquer parfois de tact, s’embrouiller dans nos
propos, mais quand j’entends des journalistes de France Info ou de France Inter bafouiller, je me dis qu’il n’y a pas que moi ! Quand je
les entends quand même être très mauvais sur certains sujets, je me dis qu’eux pourtant,
c’est leur boulot ! Je vais prendre un exemple qui nous a beaucoup touchés.
Le 1er mai. Nous avons beaucoup hurlé en écoutant une radio
publique, France Info qui, toute la journée, a parlé de la « Fête du
travail » au lieu de « journée internationale des travailleurs-euses ».
Pour moi, cela dénote une ligne
éditoriale et rédactionnelle : pour que ce soit aussi unanime, je pense
qu’il y a eu une décision au niveau de la rédaction très claire. Ou alors on
n’a que du libéralisme dans un service public, ce qui est quand même un tout
petit peu… dérangeant. C’est ce genre de choses qu’on aime bien attaquer aussi.
Des médias ou des radios comme France Info
qui se prétendent « neutres ». C’est quelque chose dont on nous parle
souvent, la neutralité dans le « Canut Infos ». Elle n’existe pas du
tout dans le « Canut Infos » mais elle n’existe absolument pas dans
les médias nationaux d’une manière générale. Et pourtant quand les gens nous
rencontrent, c’est une des premières choses dont on nous parle : « Vous n’êtes pas neutres ! Vous êtes
engagés… »
L : La différence, c’est que nous on l’assume.
D : Ces
critiques ne nous empêchent pas de lire et regarder les grands médias. Il faut
bien qu’on ait nos bases nous aussi. Nos bases c’est quoi ? D’abord on a
la presse, on a tous les médias. Avec Internet, tout ça s’est multiplié, ce qui
est d’autant plus dangereux parce qu’il faut tout scruter. Moi je contrôle
tout, je vérifie tout, ça demande beaucoup de travail. Malheureusement, comme
la plupart des articles sont écrits par l’AFP et sont ensuite répliqués sur
chaque site, ça devient compliqué d’aller chercher les sources et d’avoir un
petit peu du contrepoint. Ces sources là, ces médias, demandent un travail
d’analyse, de lecture. Mais je continue
à lire la presse « ennemie » autant que la presse « amie ».
Finalement, je prends parfois plus de plaisir à lire les articles du Figaro que soi-disant les médias (je
cherche ce qui est encore à gauche) allez on va dire « Libé», qui garde encore quand même certains articles
« de société » très intéressants.
Une de nos sources reste bien sûr les médias alternatifs,
les autres amis, les organisations syndicales, les organisations politiques.
Tous les autres qui grâce à Internet, ont pu aussi simplifier l’accès à leurs
informations. Il y a aussi des gens qui nous contactent directement. Et puis on
est aussi abonnés à certains sites, à certaines newsletters. On a un peu nos habitudes,
on aime bien suivre certains groupes. Laurent par exemple a de grosses sources
sur le nucléaire. Quand il va parler de sujets sur le nucléaire, moi je vais
avoir lu le sujet dans un média plus traditionnel et qui n’a pas tout-à-fait la
même vision que lui. Je trouve ça justement très intéressant parce que Laurent
a la source des militants anti-nucléaires. Evidemment le résultat n’est pas le
même.
« Des médias qui nous ressemblent, il n’y en a
pas beaucoup… »
Acrimed : Tu
as parlé des amis, des autres médias alternatifs, des autres médias engagés.
Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus du rapport avec vos amis
justement ?
L : On
connait bien le collectif des médias libres. Mais des médias qui nous
ressemblent, y en a pas beaucoup non plus. On lit bien sûr CQFD, Le Canard enchaîné… Avec
CQFD, on a des contacts indirects quand même. On avait été contacté par Charlie
Hebdo quand ils étaient intervenus sur la ville de Lyon. On avait participé au
débat. Il y a des réseaux qui se créent, parce que des militant-e-s se
connaissent, ça se fait comme ça. On a des revues comme Le Zèbre qui ont réagi
à notre campagne de dons. On les lit, ils nous écoutent aussi. C’est donc une
vie locale, on se connaît les uns les autres. Après on ne fait pas beaucoup d’efforts peut-être, par
manque de temps.
D : Sur la
sphère lyonnaise, on connait Rebellyon parce qu’on a un fonctionnement
assez proche, horizontal.
Acrimed :
Concernant le format du « Canut Infos » du jeudi, Est-ce par choix ou
par contrainte que vous ne faites pas ou peu de reportages ?
L : Oui et
non. On n’en fait pas beaucoup parce que d’abord ça demande du temps pour faire
le reportage… Quand on a fait des reportages en Israël, on avait passé un temps
fou à monter. Pour faire cinq diffusions. On n’a pas le temps de faire ça avec
notre travail. Et puis, on n’est pas super fans non plus je pense !
D : Moi
j’aime bien par contre, mais il faut vraiment du temps pour le reportage, parce
que sinon on peut vite faire du son pour faire du son. Ca ne m’intéresse pas de
tendre mon micro. Je n’ai pas envie de faire comme celles et ceux qui ont leur
nom sur le micro, France 2, BFM, France
3 et M6. C’est bien d’avoir des
reportages parce qu’on donne la parole aux autres. En réalité, si j’en avais la
possibilité, je préfèrerais accueillir des gens pour que je puisse leur
transmettre l’expérience du direct. Les invités sont souvent exceptionnels
derrière un micro, en direct, c’est un rapport humain qui est pas le même. Mais
très sincèrement c’est quand même une histoire de temps. Monter c’est long, ça
demande de l’énergie. Chacun après arrive à trouver aussi le moyen de faire
fonctionner son « Canut Infos ». Il faut que ça reste sympa à animer.
Parce que le but est qu’on y prenne du plaisir. Rentrer dans la routine, être
poussif sur des sujets, ça n’est pas intéressant. On s’en rend vite compte
d’ailleurs.
L : Oui, c’est
plus sympa de le faire en direct que de diffuser des reportages. On le connaît
par cœur le reportage quand on le diffuse. Ca dure 10 minutes, pendant 10
minutes, on le réécoute une quinzième fois ! On perd le truc du direct !
Acrimed : Pourquoi le direct est-il si important pour
vous ?
D : On ne
s’arrête jamais, on ne met pas de musique, c’est la spécificité de notre « Canut
Infos ». Tous les jeudis, on enlève des sujets dans notre déroulé. Tout ça
c’est une histoire de temps, de travail, parce que si on nous donne deux
heures, on fait deux heures, on nous donne trois heures, et bien on les fera
les trois heures. Je ne sais pas du tout comment travaillent les autres « Canut
Infos », mais pour des contraintes de temps, nous on ne le prépare pas
ensemble. C’est très drôle de raconter ça parce que les gens souvent sont très
surpris de voir comment on travaille. Ils pensent qu’on fait des grandes
réunions avant. Pas du tout ! Moi je sors du boulot à 16 heures et
j’arrive à courir à « Canut » pour 19 heures.
L : Je peux
moi le préparer l’après-midi même car je ne travaille jamais le jeudi
après-midi. Donc je peux suivre des trucs qui arrivent au dernier moment. Mais
on n’a pas la même manière de travailler.
D : On ne
prépare rien ensemble, on ne se voit pas. C’est un peu au dernier moment qu’on
va se dire quel sujet on passe. On prépare le déroulé et après, à moi d’essayer
de nous trouver un peu une place pour chacun et l’ordre de nos sujets. Parfois,
j’essaye de trouver des choses qui nous semblent assez logiques, parfois ça ne
marche pas. Pendant très longtemps on a eu cette habitude dans les « Canut
Infos » d’avoir une partie internationale, puis une nationale et puis
locale. Et puis pour des raisons, disons de politique de notre part, on a
arrêté. On a commencé à se dire qu’il y a des sujets qui vont toucher les
travailleurs et qui concernent autant les gens en Argentine ou en Algérie qu’en
France. Et on a plutôt maintenant envie de les mettre dans la même section que
de les étaler sur une partie « international » et
« national ». C’est plus sur une thématique qu’on a envie de
rassembler les sujets, en pensant qu’il y a des choses qui sont de l’ordre de
la mondialisation. Le gaz de schiste, c’est partout pareil, les politiques
liberticides, elles sont les mêmes partout. On est en train peu à peu de partir
sur un autre modèle. Pour le coup c’est un modèle de choix politique d’analyse.
De casser ces codes faciles qu’on avait avant.
Acrimed : Et les sujets eux-mêmes, comment les
sélectionnez-vous ?
D : Sur la
sélection même, comme on ne se cause pas, on va chacun choisir de notre côté
des idées, des choses qui nous touchent. Avec toujours cette grande question de
savoir s’il faut absolument parler de l’actu, parce que les gens qui nous
écoutent sont parfois des gens qui n’écoutent que Radio Canut. Ou faut-il donner d’autres infos parce que les autres
médias ne les donnent pas ? Je pense qu’il faut trouver un équilibre. Mais
nous ne voulons pas nous forcer à
vouloir absolument parler d’un gros truc dans l’actu qu’on ne
maitriserait pas bien. Mais c’est douloureux
parce qu’en même temps on a lu des choses dessus qu’on aimerait partager.
Et peut-être aussi pourrait-on nous reprocher de ne pas avoir parlé de ceci ou
de cela. Déjà on a une heure, ce qui est court. Ce n’est pas parce que les
médias à la télé font 30 minutes, grand maximum, de journal … 1 heure ça reste
très court. Parfois ça me fait mal au cœur
de virer des sujets. Et puis je
me dis que j’ai gardé un sujet peut être plus léger pour virer un truc plus
lourd. C’est comme ça. Après tout c’est
aussi nous qui décidons. Ca c’est une certitude ! On a aussi un peu des
échos des gens qui nous écoutent mais ça reste très minime. C’est plus des
connaissances, ou des gens comme ça sur qui on va tomber. On ne sait pas trop.
Parfois on reçoit des petits mails. C’est plutôt quand les gens ne sont pas
contents qu’on reçoit des coups de fil, pas trop pour nous dire qu’on est
supers. Ca change un peu avec la campagne de dons. Les gens envoient de manière
plus régulière à la radio, on reçoit beaucoup de mots d’amour, de déclarations,
qui sont destinés à tout le monde. On se sent écoutés ! On ne parle pas
dans le vide c’est bien.
« Il y a un flic qui nous
écoute tout le temps ! »
Acrimed : Qui sont vos auditeurs-trices ?
D : On a difficilement des informations sur elles et eux, et on
s’en fiche un peu. Ca ne veut pas dire qu’on ne respecte pas nos auditeurs et
nos auditrices. Ca n’est pas ça. Mais de toute façon c’est tellement minime que
ça ne veut pas dire grand chose. La manière dont les chiffres sont aujourd’hui…
L : Sur le plan qualitatif, on sait que c’est assez le milieu
militant
D : Pas
toujours ! On s’est aperçu par exemple que parmi les gens qui nous avaient
appelés pour se plaindre, il y avait une fois un flic. Et lui écoute tout le
temps ! Voilà, il y a des gens qui écoutent, on est une radio locale. Et puis
il y a des gens qui font comme nous, qui écoutent les autres ! Une de nos grandes
spécialités c’est d’écouter BFM radio à certaines heures parce
que ça nous fait marrer. J’imagine donc qu’il y a des gens aussi qui nous écoutent
pour savoir ce qu’on raconte. On se rend donc bien compte qu’il y a des gens
très différents qui nous écoutent. Je pense qu’il y a des gens aussi différents
que celles et ceux qui sont à la radio : quand on regarde Radio Canut, il y en a qui sont au chômage où à la retraite.
Mais quand on voit tous les métiers qui sont pratiqués, tous les secteurs
d’activité… Je suis vraiment persuadée que c’est exactement pareil pour les
gens qui nous écoutent. Des voisins de quartier peuvent aussi nous dire qu’ils
nous écoutent. Les émissions musicales ont beaucoup plus de contacts avec
leurs auditeurs et leurs auditrices parce
qu’elles utilisent peut-être plus les réseaux sociaux. C’est plus rare sur les « Canut
Infos », mais ça fait toujours plaisir d’avoir du retour, même si, pour
moi, ça n’est pas une obligation d’avoir une reconnaissance. On ne le fait pas
pour ça. Sinon je pense qu’on serait peut-être moins engagés dans nos propos
s’il fallait qu’on plaise à tout le monde.
« On fait des choix. »
Acrimed :
Depuis le début, il se dégage de vos propos quelque chose comme une sorte de critique
des médias en acte. Vos pratiques semblent suggérer une critique des médias dominants
dans la mesure où vous adoptez des formats dont vous êtes les seuls décideurs...
D : Je crois
que rien n’est fait à la légère dans ce que l’on fait et ce que l’on raconte.
On lit même la presse d’extrême-droite, parce qu’il faut aller voir ce que ces
gens racontent, comment ils écrivent, quels sont les mots qu’ils emploient,
quels sont les titres, les photos… Ca reste aussi important pour nous de les
lire à cause peut-être de notre sensibilisation à la critique des médias et
qu’en faisant cela on rejoint la politique. Sur les affaires Le Pen de ces
derniers temps, on est allés voir évidemment ce que disaient Minute et Rivarol.
Ce sont des torchons d’extrême-droite et ne sont pas respectables du début
jusqu’à la fin. On le lit seulement pour savoir ce qu’ils disent et comment ils
le disent. Bien sûr les médias plus traditionnels, on les lit avec sérieux
aussi. Aujourd’hui par exemple, on a critiqué Le Figaro et Closer. On s’en fout de Closer. C’était juste que sur des sujets
parfois tout simples, les gens auront peut-être une référence là-dessus quand
ils croiseront Closer dans la rue ou
chez le médecin. Tout a un sens.
Parler de Closer et de la famille Le
Pen, ça a un sens et il faut le rappeler. Et comme beaucoup de nos auditeurs et
de nos auditrices ne lisent pas forcément Closer,
il est bien de leur rappeler qu’une presse de ce type existe, quel est son
discours…
L : Quand on
critique les médias, on essaie de ne pas le faire de façon trop cynique ou
méprisante, on tente de prendre les médias qu’on critique au sérieux. Parce que
ces journaux font un vrai travail. Je me rappelle au moment du génocide au
Rwanda qu’on lisait les articles du Figaro
écrits par Patrick de St Exupéry parce qu’il était le seul à donner un peu d’infos.
Donc malgré la couleur politique, certains font quand même un vrai travail
journalistique.
D : Je crois
que l’on tend à faire toujours très attention à confronter ce qu’on lit à une vérité, si elle existe. Il s’agit bien de
ça quand on est lecteur ou lectrice d’un journal. On n’est jamais sûr qu’on
raconte finalement les choses réelles. Quand on regarde France 2, on n’est pas tout-à-fait sûr de ne pas être manipulés, ou
comme sur TF1 en train de nous passer
des images tournées en Egypte pour nous parler du Népal. Je voulais parler de
ça mais je n’ai pas eu le temps. On essaye de notre côté, de rester honnêtes
malgré les boulettes ou les conneries qu’on peut parfois raconter. C’est au
moins une certitude, d’être honnêtes. Il y a par exemple des sujets qu’on
n’aime pas traiter. Je n’aime pas taper sur des syndicats, même ceux dont je ne
suis pas proche, parce qu’on est aussi des gens politisés et engagés
syndicalement. Je n’ai pas de gêne pour taper sur la CFDT quand j’estime qu’ils
ont signé des accords pourris et de le dire à l’antenne. Par contre, dans
d’autres situations ça m’embête, parce que je n’ai pas envie de taper non plus
sur un syndicalisme qui n’est déjà pas bien vaillant en France. On fait donc
des choix. Mais je n’irai pas mentir et raconter seulement la moitié d’une
histoire qui concernerait la CGT, parce qu’une partie me gênerait. Je ne le
fais pas. Point. Ca c’est un truc sur lequel je pense que l’honnêteté est quand
même très importante. Parce que c’est bien là-dessus finalement qu’on critique
les autres : non seulement ils ont une manière de voir l’information avec
une soi-disant neutralité mais en plus ils nous mentent parfois !
L: Sur la Palestine par exemple, personne n’a parlé des expulsions
d’hier, des vols de maisons à Jérusalem-est. Ca n’apparaît même pas à l’AFP. Ca
signifie qu’ils s’en fichent et que personne ne veut traiter ce sujet-là. Et donc
ça ne sort plus. Il faut des militants sur place pour sortir l’info.
D : Les gens
savent que l’on ne peut pas nous acheter, qu’on a notre indépendance. S’ils ne
nous invitent pas, on continuera à faire des choses. Rien ne nous arrête en
fait et c’est aussi pour ça que les gens ont du respect pour la radio. Quand on
aimera quelque chose on va le dire et quand on n’aime pas on le dira aussi.
Acrimed : Tu
disais tout à l’heure que tu aimais bien taper sur les grands patrons dans ton
émission. Sur les grands patrons de la presse aussi ?
D : Je
reconnais que c’est un truc que j’aime bien mais je n’en parle pas beaucoup. Ce
sont des choses qui m’intéressent beaucoup : qui détient quoi ? C’est
un sujet important pour moi parce qu’on sait que c’est l’argent qui tient aussi
l’info. C’est bien pour ça qu’à Radio Canut,
il y a cette volonté de ne pas s’ouvrir à autre chose qu’aux cotisations et à
la subvention. Et on n’ira courtiser personne pour avoir cette subvention. Pour
l’instant, on y a droit comme les autres. Après si tu savais le nombre de
sujets que j’aimerais traiter sur la presse.
On s’est dit à un moment qu’on referait par exemple une édition sur la presse
locale, en particulier les gratuits, à qui ça appartient, qu’est-ce qu’on y
trouve dedans. Je n’ai pas eu le temps de la mettre en place, mais c’est une
chose que je me réserve d’ici la fin de la saison. Je crois que la presse
gratuite est la moins agréable à lire. C’est un mixe de publireportages
(signalés ou non) et d’articles non corrigés écrits à tour de bras...
J’aimerais parler de ça à l’antenne. J’ai mis en suspens par exemple un sujet un
peu long que j’aimerais placer un jour sur ces liens qui sont justement en
train de s’imposer de plus en plus dans les rédactions entre la partie
rédactionnelle et celle de ces « publi-reportages qui prennent une
place de plus en plus importante dans les rédactions. Tu vas devoir aussi
écrire ces trucs là quand tu débutes comme journaliste. Il existe une
résistance mais je pense que des endroits où travaillent des gens plus jeunes
(ça n’est pas parce qu’ils sont jeunes que c’est mal) avec moins d’expérience
et moins de possibilités de contester ce qui leur est demandé. Comme dans tout
travail, c’est avec l’expérience qu’on apprend aussi à se rebeller. Notamment
contre les contraintes financières ! C’est plus simple pour nous parce que
nous n’avons pas cette problématique financière. Et du moment qu’on respecte la
Charte de Radio Canut, on peut
traiter tous les sujets comme l’on veut, on a cette liberté, l’idée étant de
faire toujours une bonne émission.
« C’est trop important Radio Canut ! ».
Acrimed : Vous
n’avez pas de contraintes des financiers mais on voit qu’en ce moment avec
l’appel à la souscription, il reste la contrainte de faire vivre le collectif
de la radio…
L : La
contrainte financière se résume aux frais que l’on doit payer et qui
augmentent. Nous sommes diffusés par TDF, sur la tour métallique à Fourvière (c’est
d’ailleurs le meilleur site d’émission de Lyon). Donc ça a un certain coût. Et
il faut payer les locaux. Ce sont les deux gros trucs. La technique, c’est des
petits frais. Sur TDF, on n’a pas beaucoup d’alternative, et sur les locaux, on
s’est chopés 20% d’augmentation y a un an. Ca fait beaucoup. On est là depuis
30 ans et le loyer ne fait qu’augmenter. Et c’est pareil dans tous les
quartiers. On a aussi essayé de voir à Villeurbanne, c’est partout aussi cher.
Donc c’était ça l’idée de la campagne de dons. De disposer au moins d’un local
pour éviter d’être un jour expulsables.
D : Il
s’agit de tranquilliser nos comptes. On se dit souvent que des gens sont là
depuis longtemps, d’autres ne font que passer, d’autres restent une partie de
leur vie, Dans 10 ans je ne serai peut-être plus à Radio Canut mais j’ai quand même envie de laisser une radio comme
celle-là. J’ai donc envie de me soucier aujourd’hui de ce que je vais laisser
aux autres. Je pense que tout le monde partage cette idée à la radio. On nous a
dit récemment « c’est trop important Radio
Canut ! ». Je trouve que c’est une phrase qui est chouette, qui
est belle. Elle est toute bête, elle est un peu de traviole, mais oui il faut
que ça dure, parce qu’il ne reste plus beaucoup de médias comme cela, avec cette
liberté et cette organisation collective. Le local est le seul moyen qu’on ait
trouvé au niveau de notre ligne comptable pour agir. On ne peut toucher à rien
d’autre : il faut payer l’électricité, l’eau, la SACEM, la technique, TDF.
Nous n’avons pas le choix. On ne peut
rien enlever. Tout notre argent sert à faire vivre la radio, à la diffuser et à
faire vivre le local. On ne dépense pratiquement rien d’autre. On aimerait
aussi pouvoir dans quelques années re-dégager de l’argent pour pouvoir aussi
soutenir d’autres structures comme on avait pu le faire il y a quelques années
en arrière, participer à des projets dans lequel on pourrait mettre un peu
d’argent, toutes ces choses-là, d’être dans la vie associative d’autres gens en
les aidant financièrement. On peut imaginer plein de choses.
L : Ou
d’autres radios, parce que y a des petites radios qui se montent. On nous a
sollicité. Bon, on n’a pas d’argent donc on ne peut pas aider les autres. Mais
on peut aider techniquement.
D : L’enjeu
est aussi important parce qu’étant une radio officielle et déclarée, nous
devons pouvoir nous assurer d’avoir un lieu d’émission. Je ne crois pas que le
CSA serait très content demain si on se retrouvait dans une camionnette. Et
puis c’est un lieu de vie et quand on fait de la radio, il faut un lieu de vie.
On s’est donc lancé dans cette grande aventure collective. Ca n’est pas simple,
mais on y croit !
Propos recueillis par Jacques Gasseng et Vincent Bollenot
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